Le renoncement aux soins ou comment notre système de santé exclut certains usagers

A un mois de la conclusion de l’année des patients et de leurs droits, ce mois de novembre 2011 est, dans une large mesure, dédié à la thématique du renoncement aux soins qui a progressivement émergé comme indicateur d’accessibilité financière et géographique.

 

Plusieurs études ont ainsi été rendues publiques ce mois-ci :

 

– Tout d’abord, l’étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES, Questions d’économie de la santé, n°170, novembre 2011) qui indique qu’en 2008 15,4 % de la population adulte déclare avoir renoncé à des soins médicaux pour des raisons financières au cours des douze derniers mois.  Le taux de renoncement à des soins pour des raisons financières augmente entre 1998 et 2000 et chute ensuite fortement de 2000 à 2002 (temps de la mise en place progressive du dispositif de la CMU-c). Depuis, il apparaît en augmentation et est quasiment revenu en 2008 à son niveau de 2000.

 

L’absence de couverture complémentaire serait, selon l’IRDES, un facteur important du renoncement aux soins alors que la CMU-c en faciliterait l’accès.

 

L’étude démontre aussi que les prix pratiqués par les professionnels de santé, qui peuvent fixer librement leurs tarifs, jouent sur l’accessibilité d’accès aux soins.

 

Mais le renoncement aux soins serait également lié à la situation sociale passée, présente et future qui influencent nettement les comportements : « J’anticipe des lendemains difficiles, donc j’économise aujourd’hui, en évitant des soins onéreux et non directement utiles ». Précisément,  les difficultés d’accès à l’emploi, présentes, passées ou probables, augmenteraient le risque de renoncer à des soins.

 

De cette étude, nous retenons que le fait d’être couvert par une complémentaire santé détermine en partie le taux de renoncement aux soins mais qu’en temps de crise, le poste santé est souvent sacrifié par les ménages qui craignent de subir une perte de leur pouvoir d’achat.

 

– Les chiffres issus d’une enquête  IFOP/JALMA montrent que 58 % des Français ont renoncé à consulter un spécialiste faute d’avoir pu obtenir un rendez-vous dans un délai suffisamment rapide. 61 % ont des difficultés à obtenir un rendez-vous chez un spécialiste ; 58 % regrettent de ne pas réussir à entrer en contact avec un généraliste le soir et le week-end.

 

Le coût de la consultation et l’éloignement géographique ne sont pas sans effet puisque respectivement 37 % et 28 % ont renoncé à consulter un spécialiste en raison du coût de la consultation et de son éloignement géographique.

 

Les délais d’attente sont un indicateur de la disponibilité des professionnels de santé et de leur répartition sur le territoire que 77 % des personnes interrogées estiment mauvaise. D’ailleurs,      83 % prévoient  que l’accès aux soins va se détériorer au cours des dix prochaines années.

 

– Selon les résultats d’une étude commandée par la société financière CMV Médiforce, les professions libérales de santé affirment qu’un patient sur deux (53 %) repousse certains soins pour raisons économiques et qu’un quart d’entre eux discutent le prix. Les pharmaciens (75 %) et les chirurgiens-dentistes (63 %) sont les plus nombreux à constater le report des soins ou des achats de produits de santé.

 

Près d’un quart (24 %) des patients « n’ont jamais été aussi attentifs aux coûts de la santé » et « se placent même en situation de négociateurs ».

 

Le prix des soins comme facteur essentiel du renoncement aux soins  doit être appréhendé  dans un cadre d’analyse large, incluant le problème de l’avance de frais par les patients pour les consultations médicales et celui des dépassements d’honoraires qui, en l’absence de toute mesure de régulation, opèrent comme un puissant dissuasif pour de nombreux usagers.

 

Ces enquêtes, publiées alors que vient de se tenir, le 22 novembre dernier, un colloque « sur le renoncement aux soins » organisé par la Direction de la Recherche et des Études Statistiques (DREES), en partenariat avec la Direction de la Sécurité Sociale (DSS), devraient conduire les pouvoirs publics, s’ils attachent à l’importance de l’accessibilité des soins, à agir sur les leviers déterminants que sont :

 

  • l’accès à une complémentaire santé, garantissant à tous un panier de soins pris en charge à 100% pour permettre véritablement à tous les ménages d’accéder aux soins sans avoir à arbitrer entre d’autres postes de dépenses vitaux ; 
  • le prix des soins et notamment des consultations médicales dont une part reste à la charge directe des ménages comme les dépassements d’honoraires. La modération des tarifs, qu’elle résulte d’un accord conventionnel ou d’une régulation réglementaire, est d’autant plus urgente que nombre d’usagers subissent de plein fouet les effets de la crise économique ; 
  • la répartition des professionnels de santé sur le territoire. Massés dans les zones urbaines et littorales, les médecins se raréfient dans des zones qui se multiplient depuis 2005 et qui ne sont pas seulement des territoires enclavés, historiquement peu attractifs. Le problème de la désertification médicale ne se réglera pas spontanément, sans recours à une politique organisationnelle opposable aux professionnels.

 

Le système de santé a été conçu pour être inclusif, afin de garantir l’exigence constitutionnelle du droit à la protection de la santé. Pourtant, ses conditions d’accès sont vécues par de nombreux usagers comme discriminantes, selon son niveau de fortune, son lieu de résidence et son degré d’exposition aux effets de la crise économique.

D’un système de santé providentiel, on passe à une offre de soins qui exclut de plus en plus d’usagers, au vu et au su de tous les observateurs de terrain.

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