Déserts médicaux : personne ne veut y exercer mais tout le monde en parle !

Déserts médicaux : personne ne veut y exercer mais tout le monde en parle !

 

Les déserts médicaux, c’est la problématique du moment (1). Celle sur laquelle tout le monde a quelque chose à dire mais personne ne veut avancer ses pions, à l’exception notamment de la Fédération Hospitalière de France (FHF) qui, dans sa plateforme politique pour l’élection présidentielle, a fait une sortie tonitruante.  La FHF propose en effet que les hôpitaux puissent, « en cas de carence constatée », organiser le maintien des soins de proximité. Question financement, la FHF n’est pas en reste puisqu’elle évoque l’idée d’un « prélèvement sur l’enveloppe de ville ».

 

En supplément, et pour bien marquer sa singularité, la FHF considère que les médecins qui décideraient – puisque la liberté d’installation est réaffirmée – de s’installer en zone excédentaire, ne devraient bénéficier, « au mieux », que d’un conventionnement en secteur 1. Dans son élan, elle plaide pour le plafonnement des dépassements d’honoraires dans ces mêmes zones, y compris pour le secteur privé à l’hôpital.

 

Des propositions jugées « iconoclastes » par le Syndicat des Médecins libéraux et « affligeantes » par la Fédération de l’Hospitalisation privée (FHP).

 

Tant de persiflages interpellent. Et feraient rire s’ils ne renvoyaient pas à de réels problèmes d’accès aux soins que les usagers subissent à grands frais quand il s’agit d’effectuer plusieurs dizaines de kilomètres pour consulter un médecin de premier recours, quand ils ne renoncent pas purement et simplement à se faire soigner en raison de délais d’attente trop longs.

 

Notons que les positions de la FHF sont concomitantes à celle de Philippe Vigier, député d’Eure-et-Loir (Nouveau Centre), qui a déposé une proposition de loi pour garantir un accès aux soins égal sur l’ensemble du territoire qui prévoit :

 

– de fixer le numerus clausus en fonction des évolutions prévisibles de la démographie médicale et des besoins de santé de la population sur l’ensemble du territoire ;
– l’exercice d’un stage d’une durée minimum d’un an (au cours de la 3ème année d’internat) au sein d’une maison de santé pluridisciplinaire ou d’un établissement hospitalier dans les zones dans lesquelles est constaté un déficit en matière d’offre de soins ;
– de substituer à l’examen national classant un internat régional afin d’enraciner l’étudiant au cœur de  leurs régions de formation ;
– l’obligation, pour tout médecin, à l’issue de sa formation, et pour une durée minimum de trois ans, de s’installer dans un secteur géographique souffrant d’un nombre insuffisant de médecins.

 

Un texte « stupide et dangereux pour l’accès aux soins » selon la Confédération des syndicats médicaux français…

 

Si cette proposition de loi a peu de chances d’aboutir, elle indique que la liberté d’installation pourrait être un thème majeur de l’élection présidentielle, d’autant qu’elle fait suite à une proposition de résolution demandant d’ériger en « priorité nationale » la lutte contre la désertification médicale, déposée par une centaine de députés emmenés par Véronique Besse (députée de Vendée).

 

Mais alors, quelles options trouvent grâce aux yeux des syndicats de médecins qui ont été les seuls, parmi les organisations représentants les professionnels de santé, à refuser un conventionnement avec l’Assurance maladie prévoyant des installations régulées sur le territoire ?

 

Combien d’euros faut-il encore injecter dans des incitations inopérantes pour inviter les médecins libéraux à exercer là où les usagers ont besoin d’eux ?

 

Les propositions de la FHF sont hardies et pertinentes et si ceux qui les brocardent estiment qu’elles visent à émarger indûment sur le champ de la médecine ambulatoire, les usagers en manque de médecins pourraient estimer que l’hôpital « hors les murs » constitue une planche de salut.

 

Dans ce débat, on n’attend plus que les propositions de ceux qui se cramponnent à leur liberté d’installation depuis plus de 80 ans(2) … et qui semblent avoir perdu de vue l’accès aux soins de tous les usagers en tous lieux du territoire.

 

___________________________

 

(1) Le CISS, dans le cadre de la campagne présidentielle, souhaite sensibiliser le public et interpeller les candidats sur ces trois enjeux de santé essentiels que sont : les difficultés économiques d’accès aux soins, à travers la question des dépassements d’honoraires ; les obstacles géographiques à l’accès aux soins, en abordant les problèmes de désertification médicale ; le défi de l’équilibre budgétaire de l’Assurance maladie, en conservant comme priorité absolue le maintien du financement solidaire de nos dépenses de santé. Voir notre site de campagne www.quellesanteapres2012.org

 

(2) La « Charte de la médecine libérale » datant de 1927.

Logo Santé Info Droits

Partager sur

Copier le lien

Copier