Plus de deux ans après sa mise en œuvre, par la loi du 27 juillet 1999, la Couverture maladie Universelle Complémentaire (CMU-C) représentait un progrès social incontestable en ce qu’elle permettait et facilitait l’accès aux soins de celles et ceux dont les revenus sont bas.
On mesure tout l’intérêt d’un tel dispositif dans le contexte de crise que nous subissons depuis 2008 et qui s’abat prioritairement sur les personnes vulnérables et financièrement fragiles – pour rappel, le droit à la protection complémentaire gratuite est ouvert aux personnes dont les ressources ne dépassent pas un plafond, plafond fixé à 647,58 € pour une personne seule (1).
Le Fonds CMU, qui présente les dernières évolutions des dispositifs dans le 5e rapport d’évaluation de la loi CMU (2), ajoute, au crédit du dispositif, que la CMU-C « demeure plus que jamais, et dans toutes ses composantes, un facteur déterminant dans la réduction des inégalités sociales de santé ».
Quelques chiffres :
– La CMU de base compte 2,3 millions de bénéficiaires.
– La CMU-C est accordée à 4,4 millions de personnes à fin juin 2011.
– 80 % des bénéficiaires potentiels de la CMU-C y ont effectivement recours, ce qui porterait à 1,1 millions le nombre de personnes renonçant, sciemment ou pas, au bénéficie de la CMU-c.
– 600 000 bénéficiaires de l’Aide à l’Acquisition d’une complémentaire santé (ACS), alors qu’au moins 2,4 millions peuvent y prétendre.
Si globalement les constats du Fonds sur la CMU-C et l’ACS sont positifs, ils montrent que des marges de progrès sur l’accès aux soins sont non seulement possibles mais nécessaires.
Le taux de renoncement aux soins pour raisons financières est de 21 % pour les bénéficiaires de la CMU-C, contre 15,3 % pour les bénéficiaires d’une complémentaire privée, mais 30,4 % pour les personnes sans complémentaire, rappelle le document.
Le rapport présente un certain nombre de préconisations et de pistes de travail afin d’améliorer ces dispositifs. Il plaide une nouvelle fois pour une meilleure publicité autour du dispositif ACS, qui demeure inconnu pour beaucoup de personnes. Il suggère aussi de relever le plafond de revenus de la CMU-C, compte tenu de son érosion par rapport au seuil de pauvreté, et de réviser le panier de soins de l’optique (premier motif de reste à charge), qui n’a pas évolué depuis 1999.
Parallèlement, une étude de l’Institut de Recherche et de Documentation en Economie de la Santé (IRDES)(3) récemment publiée, indique que les bénéficiaires de la CMU-C déclarent plus de pathologies que le reste de la population.
Les bénéficiaires de la CMU-C, plus jeunes et plus souvent des femmes, se déclarent en effet en moins bonne santé que le reste de la population. Cette étude montre qu’à âge et sexe équivalents, presque tous les grands groupes de pathologies sont surreprésentés chez les bénéficiaires CMU-C, jusqu’à deux fois plus que le reste de la population pour certaines affections comme la dépression et le diabète.
L’exposition aux facteurs de risque comme le tabac et l’obésité est également plus élevée au sein de cette population, 1,6 fois supérieure au reste de la population pour le tabac et 1,7 fois pour l’obésité, en lien avec les affections digestives hautes et maladies cardiovasculaires qu’ils déclarent davantage.
Même s’ils consultent plus souvent le médecin généraliste, les bénéficiaires CMU-C sont moins nombreux à recourir à un spécialiste quand bien même leur pathologie le nécessiterait (les dépassements d’honoraires, plus fréquents, quoiqu’interdits, expliquent en partie ce comportement).
La CMU-C et sa cousine, l’ACS, sont des réponses, plus ou moins satisfaisantes compte tenu des niveaux de non recours aux droits, aux problèmes d’accès aux soins des usagers ayant à faire face aux pires difficultés économiques et sociales.
Mais la santé des usagers qui bénéficient de ces généreux dispositifs doit maintenant faire l’objet d’une approche non plus seulement basée sur la gratuité totale ou partielle des soins mais davantage tournée vers ce que le Anglo-saxons appellent le « care », c’est-à-dire une écoute particulière des besoins que l’on recense plus typiquement parmi les usagers défavorisés.
Les pratiques des professionnels de santé doivent évoluer pour s’adapter aux spécificités de ces populations plus exposées que d’autres à certains risques sanitaires connus, et il faut souhaiter qu’à court terme, la convention médicale enrichira le paiement à la performance pour valoriser le temps dédié à l’écoute de ces usagers et de leurs besoins.