Vieillir avec la polio : une seconde résilience avec le soutien de Polio France GLIP

La poliomyélite est éradiquée en France depuis 1989. Mais ses séquelles perdurent chez des milliers de personnes. L’association Polio France GLIP se mobilise pour faire reconnaître les besoins spécifiques des patients séquellaires, défendre leurs droits et transmettre la culture médicale de la polio. Rencontre avec des membres de cette association qui vient de rejoindre le réseau de France Assos Santé.

La poliomyélite, maladie virale hautement contagieuse, a marqué le XXe siècle par des épidémies provoquant paralysie et handicaps durables. La vaccination obligatoire, instaurée en 1964, a permis son éradication en France, mais quelque 50 000 personnes vivent encore avec les séquelles physiques et neurologiques de la maladie. Or ces séquelles s’aggravent souvent avec l’âge, entraînant des complications orthopédiques, respiratoires ou neurologiques. Chez certains patients, des décennies après l’infection initiale, survient un syndrome post-polio, méconnu et invalidant, caractérisé par une fatigue chronique, une faiblesse musculaire progressive et des douleurs articulaires. Trop souvent confondu avec les effets normaux du vieillissement, ce syndrome nécessite une prise en charge médicale adaptée.

Acte de naissance de Polio France GLIP : répondre à un vide

C’est pour répondre à l’absence d’interlocuteurs médicaux et sociaux que des patients, dont l’état de santé s’aggravait, ont créé, en 2001, Polio France Groupe de Liaison et d’Information Polio (GLIP). Douze à l’origine, ils sont aujourd’hui plus de 500 membres. Si la majorité d’entre eux ont contracté la polio en France avant l’éradication, l’association accueille aussi des patients plus jeunes. « Souvent issus de l’immigration, ils ont contracté la maladie dans leur pays d’origine où la vaccination a été plus tardive », explique Arlette Bouron, secrétaire de l’association. « Nous sommes à un moment charnière, alerte Bernard Mirande, représentant d’usagers (RU) et trésorier de l’association. La polio n’est plus enseignée dans les facultés et les médecins qui en avaient l’expérience partent à la retraite. » Pour pallier ce vide, l’association s’efforce de maintenir et transmettre la « culture polio » auprès des professionnels de santé.

Polio France GLIP intervient notamment dans des écoles de kinésithérapeutes pour sensibiliser les futurs praticiens aux spécificités de la maladie et du vieillissement des patients polios. Elle diffuse également le Protocole National de Diagnostic et de Soins (PNDS), élaboré en 2022, qui formalise la prise en charge du syndrome post-polio. « Ce PNDS est une avancée majeure, mais il reste trop méconnu », déplore Arlette Bouron. Privés depuis une décennie des congrès spécialisés, autrefois organisés par l’AP-HP, les professionnels manquent aussi de lieux d’échange. Polio France GLIP a comblé cette carence en organisant, en 2023, à Nancy, un congrès européen. Y ont été abordés, entre autres, les enjeux de la chirurgie chez les patients, de l’appareillage, de la kinésithérapie adaptée et de la nutrition. « Les orthésistes qui avaient l’expertise sont partis à la retraite et les prothésistes d’aujourd’hui sont davantage formés pour les amputés que pour les patients atteints de polios », regrette Bernard Mirande. « Les besoins sont nombreux, et les connaissances doivent circuler », renchérit Pierre Parrot, administrateur et représentant de l’association. Grâce à ses correspondants régionaux, Polio France GLIP tient à jour un réseau de praticiens sensibilisés aux besoins de ses membres, mais les inégalités territoriales persistent.

Des actions concrètes pour une meilleure prise en charge

Les membres de Polio France GLIP s’impliquent à toutes les échelles. Dans le Grand Est, l’association a coconstruit un dispositif innovant d’accompagnement et de soins adaptés avec l’Agence régionale de santé (ARS) régionale, l’UGECAM et l’établissement de soins médicaux et de réadaptation spécialisé Louis Pierquin de Nancy. Un modèle qu’elle espère voir essaimer ailleurs. Mais la fragilité structurelle reste une préoccupation, l’association cherche donc aussi à développer son action à l’échelle européenne. « Nos associations sont tenues par d’anciens patients. C’est une force, car nous connaissons les enjeux, mais aussi une faiblesse : nous vieillissons, notre force opérationnelle diminue. À nous de réfléchir et d’agir ensemble pour préparer l’avenir », résume Pierre Parrot. En dépit des progrès réalisés en matière de suivi épidémiologique, un autre frein majeur reste l’absence de statistiques fiables. « Le manque de données solides empêche une prise en charge cohérente et limite notre influence », explique Bernard Mirande. Grâce à son adhésion récente à France Assos Santé, Polio France GLIP espère un meilleur accès aux chiffres concernant les affections de longue durée (ALD), les prestations handicap ou encore les besoins d’appareillage. En attendant des données auxquelles on puisse se fier, l’association agit sur le terrain pour répondre aux besoins urgents des patients.

Le parcours des anciens malades illustre les limites du système. Souvent bien suivis pendant l’enfance, ils ont été invités, une fois adultes, à construire leur vie et ne plus penser à la maladie. Beaucoup n’ont pas fait reconnaître officiellement leur handicap, jugé parfois discriminant à l’époque. Mais avec l’apparition de nouvelles difficultés liées au vieillissement et au syndrome post-polio, ces personnes se heurtent aujourd’hui à des procédures longues et complexes pour obtenir des aides ou faire valoir leurs droits auprès des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). « Ces démarches administratives sont d’autant plus éprouvantes qu’elles surviennent à un moment de perte d’autonomie », souligne Arlette Bouron. L’association propose donc un accompagnement administratif et un soutien psychologique, essentiels pour ces patients confrontés à une seconde forme de résilience.

Reconnaissance institutionnelle et avenir militant

Chaque année, les Journées Rencontres Nationales organisées par l’association abordent des thématiques pratiques pour soutenir ses adhérents dans leur vie quotidienne. À l’honneur de l’édition 2025 qui s’est tenue du 4 au 6 avril derniers : la kinésithérapie, discipline cruciale pour les polios dont les muscles et les articulations se dégradent avec l’âge. « Lors d’une prochaine édition, nous aborderons les problèmes respiratoires, souvent négligés chez les polios », indique Arlette Bouron. L’adhésion à France Assos Santé vise aussi à renforcer la communication externe de l’association. « Nous souhaitons participer encore plus activement aux débats sur l’intégration des personnes en situation de handicap, continuer à militer pour une meilleure reconnaissance des séquelles de la polio et toucher plus de patients atteints par la polio pour les amener à nous rejoindre et leur offrir nos services en tant qu’association », conclut Pierre Parrot.

Pour en savoir plus

Poliomyélite – Histoires humaines et histoire scientifique, Alain Yelnik, Édition de L’Harmattan (2020)

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