Alors que le Sénat débute ce mercredi l’examen en séance publique du PLFSS, France Assos Santé s’inquiète des tentations de restreindre l’accès aux soins sous couvert d’économies. Nous avons bien conscience de la nécessité de réduire le déficit budgétaire, mais il ne doit pas se faire au détriment des usagers. C’est pourquoi nous proposons des mesures d’efficience et de prévention, qui viendront apporter des recettes immédiates, tout en permettant de faire des économies durables et, à terme, de bâtir un système de santé sain et solidaire.
Le texte adopté par l’Assemblée nationale a rétabli une certaine justice sociale en supprimant l’extension des franchises, qui aurait particulièrement impacté les personnes ayant le plus besoin de soins, notamment les personnes en ALD, qui subissent déjà les restes à charge les plus élevés. Idem avec la suppression du gel des prestations sociales qui, elle, aurait impacté des personnes vulnérables, comme les bénéficiaires de l’AAH, d’une pension d’invalidité, ou des retraités modestes.
Nous exhortons donc les sénateurs et sénatrices à maintenir ces suppressions, tout comme celle de l’amendement qui prévoyait la fin du financement de la démocratie sanitaire dans le cadre du Fonds d’intervention régional (FIR), car celle-ci n’est pas un « luxe », mais un levier d’efficacité et d’équité : un système de santé conçu avec les usagers, c’est un système plus juste, plus pertinent et, in fine, plus efficient économiquement.
Nous saluons l’adoption par les députés de plusieurs amendements que nous soutenons comme la création d’équipes de soins traitantes pluridisciplinaires (médecin, infirmier, pharmacien, assistant médical au minimum) dans les territoires où l’offre de soins est insuffisante, pour mieux coordonner les parcours de santé, renforcer la prévention et optimiser le temps médical. Tout comme est bienvenu l’amendement sur l’accès direct à l’infirmier, déjà acté par la loi du 27 juin 2025, mais non encore appliquée.
Sur le volet « produits de santé », un amendement visant à rendre publics les prix réels des médicaments la transparence des prix des produits de santé a été voté.
Depuis plus de dix ans la société civile appelle à plus de transparence, l’immobilisme des gouvernements successifs est consternant. Cette opacité affaiblit le contrôle démocratique sur l’utilisation des ressources publiques, particulièrement crucial dans le contexte actuel. Ce vote a l’incontournable mérite de bousculer cet écosystème largement favorable aux industriels, aux dépens de nos comptes publics et de la pérennité de notre système solidaire. Nos associations sont aujourd’hui très inquiètes des conséquences importantes du vote de cette disposition et du chantage des industriels.
Concernant les pénuries de médicaments, un amendement reprenant notre demande d’augmenter les stocks de sécurité à 4 mois pour les Médicaments à intérêt thérapeutique majeur a reçu un avis favorable de la Commission des affaires sociales, mais n’a pas pu être examinée en séance plénière (pour des raisons d’agenda). Ces stocks sont indispensables pour nous donner collectivement le temps d’agir et de limiter les conséquences pour les personnes malades. Publié en mars dernier, le Baromètre 2025 des droits des personnes malades de France Asso Santé réalisé par l’institut BVA montre que 39 % des personnes interrogées ont déjà fait face à une pénurie de médicaments.
En matière de prévention, grâce au combat de longue date pour que les consommateurs puissent bénéficier d’une information nutritionnelle claire et transparente sur les aliments qu’ils achètent, les députés ont adopté 2 amendements rendant obligatoire l’affichage du Nutri-Score sur les aliments. Mais quelques députés ont réussi à faire exclure de l’obligation les produits ayant une appellation ou une indication d’origine protégée. Cette exception est injustifiée car elle ne repose sur aucun fondement scientifique ou de santé publique, et ne sert pas réellement la défense des produits de terroir : les labels AOP/IGP garantissent une origine géographique, un savoir-faire et une qualité de production, mais n’informent pas sur la qualité nutritionnelle. Or, le Nutri-Score évalue uniquement la composition nutritionnelle (graisses, sucres, sel, calories). Ce sont donc deux notions distinctes et complémentaires. La prétendue défense des produits AOP/IGP cache en réalité les intérêts de grandes multinationales opposées à une information nutritionnelle transparente pour les consommateurs. Le fait qu’un aliment soit traditionnel ne le protège pas d’un mauvais score !
France Assos Santé déplore également que deux autres amendements, portés par Cyrille Isaac Sibille (Modem) et Boris Tavernier (Ecologiste et Social), qui prévoyaient la création d’une nouvelle taxe sur les produits transformés contenant des sucres ajoutés et l’obligation d’afficher le Nutri-score dans les messages publicitaires, aient été rejetés.
Si nous saluons l’adoption d’une taxe sur les Vody, mélanges d’alcools forts, boissons énergisantes et ingrédients sucrés ou aromatisés, titrant entre 18 % et 22 % vol. commercialisés en petits formats (cannettes avec un packaging très attractif ciblant spécifiquement les jeunes), à bas prix, nous déplorons que l’amendement adopté ne concerne que les Vody contenant des substances énergisantes (taurine, caféine…). Certains Vody sont composés uniquement d’alcool fort et d’arômes sucrés, et titrent aussi entre 18 % et 22 % : ils seront pourtant exemptés de la taxe alors qu’ils sont tout autant problématiques et qu’ils génèrent des consommations massives, précoces et dangereuses chez les jeunes. Nous attendons des sénateurs qu’ils rectifient le tir !
Concernant l’accès aux soins, l’Assemblée nationale a supprimé l’article 26, certes très imparfait, mais le seul qui agissait sur les dépassements d’honoraires. Le constat de la mission parlementaire est sans appel, sans action de régulation minimale, des millions de Français n’auront plus accès à une offre à tarif opposable dans certaines spécialités, et cette situation viendra encore creuser les inégalités sociales de santé. Nous demandons donc plutôt de limiter le taux maximal de dépassement possible et de prévoir l’interdiction des dépassements sur un certain nombre d’actes qui devront être déterminés.
La suppression via l’article 25 bis nouveau du remboursement des actes et prescriptions des médecins non conventionnés, dans le but d’inciter les médecins à s’installer en secteur conventionné, ne doit pas avoir pour effet de pénaliser les patients confrontés à des difficultés pour accéder aux médecins conventionnés. France Assos Santé demande donc une mesure visant à informer la patientèle des médecins non conventionnés de la suppression des remboursements des consultations actes et prescriptions de leur médecin, et prévoyant un accompagnement par les structures coordonnées du territoire pour leur permettre d’accéder à un médecin conventionné.
Par ailleurs, France Assos Santé déplore le rejet de l’amendement posant l’obligation de participer à la Permanence des soins ambulatoires (PDSA) pour les médecins libéraux travaillant dans les centres de soins non programmés et appelle à la participation de l’ensemble des médecins libéraux, telle qu’elle est définie dans la proposition de loi de lutte contre les déserts médicaux adoptée par l’Assemblée nationale en juin dernier.
Par ailleurs, si France Assos Santé salue la volonté du réseau France Santé de donner accès à l’ensemble de la population à des soins de proximité dans un délai raisonnable, sans dépassement d’honoraire et en priorité dans les zones sous-dotées, elle s’interroge sur la faisabilité de cette initiative avec une labellisation de structures existantes, sans prévoir à côté des mesures garantissant la présence de professionnels de santé, de médecins généralistes notamment, en nombre suffisant dans chacune de ces structures. France Assos Santé appelle donc à préciser les modalités d’application concrète de cette mesure et à faire participer les associations d’usagers du système de santé à la réflexion sur les critères de mise en place, de labellisation et d’évaluation de ces structures.
Elle appelle également au déploiement des centres de santé et Maisons de santé pluriprofessionnelles, ainsi qu’à l’établissement en urgence d’une régulation de l’installation des médecins dans les zones suffisamment dotées – une part minoritaire du territoire, mais cette régulation permettrait d’endiguer le creusement des inégalités entre les territoires. C’est précisément l’objet de la PPL Garot, contre les déserts médicaux, votée début juin par l’Assemblée nationale, mais toujours bloquée dans l’antichambre de la Commission des affaires sociales du Sénat. Cette mesure viendrait compléter la mission de solidarité du pacte gouvernemental contre les déserts médicaux. Afin de ne pas grèver le budget, au regard du rapport de la Cour des comptes publié le 12 novembre dernier, France Assos Santé prône la suppression des aides à l’installation dès lors que leur inefficacité est démontrée. Notons que ces mécanismes financiers, nombreux et parfois superposés, représentent plus de 200 millions d’euros pour ce qui est des seules aides financières conventionnelles.

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