L’ordonnance numérique est en phase de déploiement partout en France. Pour autant, les patients continueront à recevoir une ordonnance en format papier, en même temps qu’une grande majorité de ces ordonnances seront d’ici un an ou deux, toutes sécurisées avec un QR code et un numéro d’identifiant uniques, puis envoyées dans une base de données gérée par l’Assurance maladie. Si l’usager le souhaite, le prescripteur pourra verser l’ordonnance dans sa forme dématérialisée, dans le dossier médical partagé du patient qui pourra la retrouver à tout moment sur son compte dans Mon Espace Santé. Autant de données partageables qui pourront améliorer le parcours de soins des patients.
D’un point de vue organisationnel, ce sont surtout les professionnels de santé qui doivent se mettre à jour. Tout passe par une première phase, en cours, de mise en compatibilité de leur logiciel métier, puis il faudra que les professionnels prescripteurs intègrent ce réflexe à leurs pratiques. L’objectif des pouvoirs publics est ambitieux puisqu’il est de parvenir à ce que les professionnels de santé de ville réalisent 70 % des délivrances sur la base d’ordonnances numériques en 2024.
En pratique, comment cela se passe de rédiger et de se servir une ordonnance numérique ?
- Le prescripteur rédige une ordonnance sur son ordinateur, aidé par son logiciel
- Au moment d’éditer l’ordonnance, un QR code et un numéro d’identifiant uniques sont apposés sur l’ordonnance
- Le prescripteur demande si le patient accepte que l’ordonnance lui soit envoyé directement dans Mon Espace Santé
- Le prescripteur demande si le patient accepte que le médecin puisse suivre le parcours de délivrance de l’ordonnance (par exemple si les médicaments ont bien été retirés à la pharmacie, le nombre de séances de kinésithérapie réalisées, etc.)
- Le prescripteur imprime, signe et remet l’ordonnance en format papier au patient
- Au même moment, l’ordonnance numérique est envoyée dans une base de données gérée par l’Assurance maladie
- La patient peut aller faire délivrer son ordonnance et ses renouvellements, s’il y en a, dans les pharmacies, laboratoires, cabinets infirmiers ou de kinésithérapeutes, etc. de son choix. Si ces derniers ne sont pas encore équipés pour utiliser une ordonnance numérique, elle sera traitée comme une ordonnance papier classique.
L’ordonnance papier manuscrite va disparaître ?
Bien qu’elle soit parfois à l’origine d’erreurs de lecture, l’ordonnance manuscrite sera toujours valide, d’autant que certains praticiens, comme les médecins qui interviennent à domicile, n’ont pas forcément un ordinateur et une imprimante portables avec eux.
Quels sont les avantages de l’ordonnance numérique ?
- Elle permet au patient de retrouver facilement toutes ses ordonnances, archivées dans son compte sur Mon Espace Santé. Pour rappel, en 2022, sauf à ce qu’il s’y soit opposé, chaque affilié à l’Assurance maladie, à la MSA, à la MGEN ou bénéficiaire de l’Aide médicale d’Etat, s’est vu automatiquement ouvrir un compte sur Mon Espace Santé (Lire notre Fiche pratique sur Mon Espace Santé).
- Elle facilite la coordination des professionnels de santé entre eux par rapport au suivi des patients en évitant les risques d’interactions médicamenteuses, de prescrire un médicament ou des soins qui auraient déjà été prescrits, en leur permettant de savoir où le patient en est dans la délivrance de ses prescriptions. Autant d’opérations facilitées avec l’envoi possible des ordonnances vers Mon Espace Santé, qui permet aux professionnels de santé autorisés de suivre plus facilement en ligne les délivrances des ordonnances numériques et avoir accès à l’ensemble des traitements pris par le patient.
- Elle est sécurisée et authentifiée, ce qui va permettre de lutter contre les fraudes. Sur ce point, Arthur Dauphin, chargé de mission sur le numérique en santé chez France Assos Santé, rappelle : « Les fausses ordonnances circulent d’autant plus que l’on a pris l’habitude, depuis la période COVID, d’envoyer des ordonnances en format « pdf » par mail. Or elles ne sont pas toujours sécurisées et peuvent être imprimées plusieurs fois. Ces fraudes font peser des contraintes sur les usagers puisqu’il s’agit d’abuser de la solidarité nationale puisque les fausses ordonnances seront tout de même remboursées aux fraudeurs par la Sécurité sociale. ».
- Elle présente moins de risques de malentendus ou d’erreurs pour les personnes qui exécutent l’ordonnance, par rapport à la lecture d’une prescription manuscrite. Le risque d’erreurs est d’autant plus réduit avec une ordonnance numérique, car le prescripteur est aidé par le logiciel au moment de sa rédaction.
- Elle facilite le comptage des médicaments déjà délivrés. Jusque-là, le pharmacien le vérifiait « manuellement » les délivrances, imprimées, au fur et à mesure, au dos de l’ordonnance. Cela peut s’avérer très utile pour les longues ordonnances dont les délivrances sont à renouveler chaque mois. C’est le cas pour beaucoup de malades chroniques notamment.
L’avis de Jean-François Thébaut, vice-président de la Fédération Française des Diabétiques, sur l’intérêt de l’ordonnance numérique
Il ne s’agit pas simplement de remplacer un papier qui peut se perdre, s’abîmer mais d’une action réellement structurante pour les prises en charges. Ainsi, l’ordonnance numérique va, en permettant une meilleure coordination dans les parcours de soins, améliorer la qualité de prise en charge de chaque usager. En effet, tous les professionnels qui participent aux soins d’un patient pourront avoir un panorama en temps réel de ce qui lui a été prescrit et délivré, que cela soit par le biais d’une pharmacie hospitalière ou d’une officine de ville. Ainsi, pour exposer un exemple très concret, un pharmacien pourra avoir toutes les ordonnances d’un patient sous les yeux dans le cadre d’un bilan partagé de médication ou au cours des entretiens pharmaceutiques. En outre, à termes, de nouveaux bénéfices pourront émerger pour les patients, comme la création d’alertes automatisées en cas de risques d’interactions médicamenteuses, ou d’erreurs comme un oubli de prescription. D’un point de vue plus général, la mise au jour d’événements indésirables pourra être rendue possible grâce à l’analyse de toutes ces nouvelles données, surtout si cette prescription est accompagnée d’un codage de motif de prescription !
Témoignage d’une patiente diabétique
Je suis diabétique insulino-dépendante et ai également un traitement pour la thyroïde. Tous mes traitements sont sur une même ordonnance que je garde toujours sur moi, au cas où j’oublierais mon insuline à la maison et que je doive m’en procurer rapidement. Le résultat est que mes ordonnances tombent en lambeaux au bout de 6 mois, puisqu’elles me servent, à aller chercher chaque mois, tantôt mes médicaments, tantôt les consommables pour mon capteur de glycémie et mes injections, etc. A la fin, je n’arrive plus trop à lire, avec les multiples impressions au dos de l’ordonnance, ce que j’ai pris ou non, notamment pour les capteurs de glycémie puisque j’ai droit à 2 capteurs par mois remboursés, ni plus, ni moins. Je pourrais même me passer d’avoir sur moi en permanence l’ordonnance papier. Il suffira que je montre le QR code au pharmacien depuis l’application Mon Espace Santé sur mon téléphone ! En outre, j’aime garder mes ordonnances au fur et à mesure des années, pour me rappeler des noms des médicaments que j’ai déjà pris et pouvoir expliquer à mes médecins, qui changent parfois, selon leur départ à la retraite ou mes déménagements, ce qui a fonctionné ou pas, au cas où un problème de santé que j’ai déjà rencontré se présente à nouveau. Je suis rassurée de me dire que désormais tout sera versé sur mon Espace Santé et que je pourrais en ouvrir l’accès à un nouveau professionnel de santé qui me soigne. J’espère aussi que peu à peu, l’analyse de toutes ces données de santé permettront d’améliorer l’efficacité des traitements et pourquoi pas de croiser de telles données au niveau mondial pour faire avancer la recherche.
Expérimentation et déploiement national de l’ordonnance numérique
Avec le soutien de financements publics, depuis 2 ou 3 ans, un gros travail de mise en compatibilité est entrepris par les éditeurs des logiciels métiers pour y intégrer l’ordonnance numérique et la relier avec Mon Espace Santé et tous les services socles publics. Cette compatibilité des logiciels se déploie chez tous les professionnels de santé : médecins, pharmaciens, infirmières, laboratoires, etc. A ce jour, 35 à 40% des pharmacies sont équipées. Des expérimentations ont ainsi pu commencer sur le terrain, et fin juin 2023, l’Assurance maladie annonçait que près de 8000 médecins utilisaient l’ordonnance numérique et en avaient déjà créées 3,7 millions.
Les premiers retours d’Arthur Piraux, pharmacien utilisant la e-prescription à Angers
Dans la mesure où des médecins à proximité de ma pharmacie ont été parmi les premiers à expérimenter l’ordonnance numérique et puisque de mon côté j’ai un logiciel agréé « Ségur » depuis quelques mois, je traite désormais plusieurs ordonnances numériques par jour. J’ai trouvé la prise en main du dispositif très simple. Je n’ai même pas attendu la formation proposée par l’éditeur du logiciel pour me lancer le jour où j’ai vu un QR Code sur une ordonnance.
Quand un patient arrive avec une ordonnance numérique, on procède, en premier lieu, comme avant, c’est-à-dire en lisant les données de sa carte vitale pour accéder aux données de l’usager. Puis, on scanne le QR Code de l’ordonnance numérique, qui nous permet d’obtenir directement l’identité du médecin prescripteur ainsi que la date de l’ordonnance et les médicaments prescrits.
Je dirais que pour nous, les principaux atouts relèvent d’une amélioration de la sécurité dans les délivrances des médicaments et la traçabilité des ordonnances. En effet, l’ordonnance numérique permet de limiter très nettement les prescriptions manuscrites, parfois très difficiles à déchiffrer et sources d’erreurs potentielles, ainsi que les trop nombreuses falsifications d’ordonnances. Le défaut peut cependant venir du fait que le médecin rajoute des indications ou des lignes à la main sur l’ordonnance. Le dispositif est également très pratique pour savoir où l’on en est au niveau des délivrances des ordonnances de plusieurs mois, pour lesquelles les patients viennent chercher mensuellement, le renouvellement de leurs traitements. Mais cela est vrai si à chaque délivrance, le QR code est bien utilisé. Dans tous les cas, pour l’instant, nous continuons à imprimer sur l’ordonnance les médicaments délivrés, pour assurer un comptage manuel, comme on le fait sur les prescriptions classiques.
Arthur Dauphin, Chargé de mission sur le numérique en Santé chez France Assos Santé, nous explique le rôle de France Assos Santé dans le déploiement de l’ordonnance numérique et expose les points de vigilance sur son usage :
Pour l’instant, France Assos Santé n’a pas encore joué un rôle déterminant au niveau du déploiement de l’ordonnance numérique puisque le dispositif est encore en phase de test. Cependant, dès que l’outil commencera à être utilisé plus largement par les professionnels, nous participerons à expliquer aux usagers en quoi cela consiste, à les sensibiliser à cet outil numérique et à ses fonctionnalités et surtout à leur expliquer leurs droits par rapport à la e-prescription. L’un d’eux, très important, est lié au partage ou non des données de délivrance, c’est-à-dire à la possibilité qu’ont les professionnels prescripteurs d’accéder, ou non, au fait de savoir si la délivrance de l’ordonnance a été effectuée. En effet, le pharmacien verra toujours ce qui a été ou non déjà délivré sur l’ordonnance, puisque cela fait partie de son travail de le vérifier, cependant le patient pourra s’opposer, au moment de l’édition de la prescription, au fait que le médecin prescripteur puisse suivre le statut de délivrance de ses ordonnances. France Assos Santé compte s’assurer que chaque médecin posera bien effectivement la question à ses patients au moment de rédiger des e-prescriptions afin que ce droit soit bien identifié et respecté. Cette fonctionnalité pose bel et bien la question de son intérêt pour le patient. Il n’est pas question de « surveiller » les malades mais par exemple, pour le prescripteur, de comprendre pourquoi tel traitement ne leur convenait pas, ou de les aider par rapport à l’observance de leurs traitements. Cette nouvelle modalité doit permettre améliorer le dialogue dans la relation soignant-soigné. Les patients veulent bien se surveiller mais sûrement pas être surveillés.
Par ailleurs, l’ordonnance numérique ne doit pas devenir un outil de facilitation du travail des professionnels, imposés aux usagers. Ces derniers doivent être totalement impliqués dans son déploiement. Cela nous amène à un autre point de vigilance concernant l’ordonnance numérique, qui se pose pour quelques 16 millions de personnes éloignées du numérique en France.
Enfin, puisque les deux outils numériques sont liés, on peut imaginer que l’ordonnance numérique puisse être un levier pour sensibiliser à l’usage généralisé de Mon Espace Santé.
Quand un patient arrive avec une ordonnance numérique, on procède, en premier lieu, comme avant, c’est-à-dire en lisant les données de sa carte vitale pour accéder aux données de l’usager. Puis, on scanne le QR Code de l’ordonnance numérique, qui nous permet d’obtenir directement l’identité du médecin prescripteur ainsi que la date de l’ordonnance et les médicaments prescrits.
Je dirais que pour nous, les principaux atouts relèvent d’une amélioration de la sécurité dans les délivrances des médicaments et la traçabilité des ordonnances. En effet, l’ordonnance numérique permet de limiter très nettement les prescriptions manuscrites, parfois très difficiles à déchiffrer et sources d’erreurs potentielles, ainsi que les trop nombreuses falsifications d’ordonnances. Le défaut peut cependant venir du fait que le médecin rajoute des indications ou des lignes à la main sur l’ordonnance. Le dispositif est également très pratique pour savoir où l’on en est au niveau des délivrances des ordonnances de plusieurs mois, pour lesquelles les patients viennent chercher mensuellement, le renouvellement de leurs traitements. Mais cela est vrai si à chaque délivrance, le QR code est bien utilisé. Dans tous les cas, pour l’instant, nous continuons à imprimer sur l’ordonnance les médicaments délivrés, pour assurer un comptage manuel, comme on le fait sur les prescriptions classiques.
comment vont faire les medecins en retraite qui n.ont plus de logiciel adapte pour les ordonnances numeriques et qui ontctoujours le droit de prescrire aux proches et a leur famille
Des exceptions sont prévues
Les professionnels de santé ne sont pas tenus de procéder à la prescription par voie
dématérialisée lorsque :
– les téléservices sont indisponibles,
– la connexion internet est insuffisante et que cette insuffisance est liée à la situation
du lieu habituel d’exercice ou à l’accomplissement d’actes en dehors du lieu habituel
d’exercice,
– une indisponibilité technique ponctuelle d’accès aux téléservices ou une
impossibilité technique durable pour une cause étrangère au professionnel parvient,
– le professionnel de santé ne parvient pas à identifier le patient via les services
numériques de santé dédiés,
– le professionnel de santé se prescrit de façon occasionnelle à lui-même ou à son
entourage, il peut se dispenser d’effectuer une prescription dématérialisée.