Créée en 2001, France Ekbom vient de rejoindre le réseau France Assos Santé. L’occasion de braquer nos projecteurs sur cette association qui fédère les patients atteints de la maladie Willis-Ekbom, appelée aussi syndrome des jambes sans repos (SJSR).
Un peu plus de vingt ans d’existence pour l’association France Ekbom, 22 correspondants régionaux qui, au quotidien, écoutent, accompagnent et orientent les malades en quête de reconnaissance et de soutien. Ils œuvrent également à l’information et à la sensibilisation des professionnels de santé car la maladie de Willis-Ekbom, non détectable par IRM ou scanner, est encore largement ignorée par le monde médical. Elle est pourtant fréquente et invalidante.
Cette pathologie affecte 8,5 % de la population française, dont 2 % présentent une forme très sévère, caractérisée par des symptômes intenses et une gêne quotidienne. La maladie se manifeste par des sensations désagréables — démangeaisons, impatiences, brûlures, fourmillements ou décharges électriques — dans les membres inférieurs, et parfois aussi dans les bras. Elles surgissent principalement au repos, en particulier le soir et la nuit. « Les sensations, difficiles à décrire, provoquent un besoin impérieux de bouger. Seuls les mouvements soulagent les malades. Rester immobile est une torture », explique Simone Ruellan, vice-présidente de l’association France Ekbom.
Cette maladie neurologique peut apparaître à tout âge, y compris dans l’enfance où elle est fréquemment confondue avec de l’hyperactivité. Chez l’adulte, elle survient souvent après 50 ans, évolue par paliers et s’aggrave avec le temps. Si la maladie est plus fréquente chez les femmes, certains facteurs de risque sont désormais identifiés : l’anémie, le diabète, l’insuffisance rénale, la grossesse ou encore les antécédents familiaux. Dans 40 % des cas, un autre membre de la famille est atteint, signe d’une prédisposition génétique forte.
Un impact majeur sur la vie quotidienne
La maladie bouleverse profondément le quotidien des malades. Assister à un spectacle, dîner entre amis, regarder un film, voyager ou rester assis en réunion devient un calvaire. Face à l’incompréhension, certains patients préfèrent invoquer d’autres pathologies, socialement plus acceptables. « Ils prétendent souffrir du dos pour justifier leur besoin de bouger. Comme il faut toujours se justifier, les personnes malades finissent par s’isoler », observe Simone Ruellan. À un stade avancé, la maladie peut entraîner aussi des pertes d’emploi car les nuits des patients sont marquées par des troubles sévères du sommeil, des problèmes de somnolence et une très grande fatigue. Et quand ils parviennent enfin à s’endormir, la plupart des patients souffrent de mouvements périodiques du sommeil, dont ils n’ont pas conscience mais qui empêchent un sommeil réparateur.
À long terme, cette privation chronique de sommeil a des conséquences majeures sur leur santé physique et mentale. Selon une étude menée en 2022 par l’Inserm, 79 % des patients souffrent d’insomnie chronique, 32,5 % présentent des symptômes dépressifs et 28 % déclarent des idées suicidaires, un taux trois fois supérieur à celui observé dans la population générale (9,5 %). Parmi les autres conséquences, et pas des moindres, citons les risques cardiovasculaires. Normalement, la pression artérielle baisse naturellement durant le sommeil. Mais chez les patients dont les jambes bougent en permanence, cette chute nocturne n’a pas lieu. Résultat, le système cardiovasculaire reste en état d’alerte, augmentant les risques d’hypertension artérielle, d’infarctus du myocarde et d’accidents vasculaires cérébraux.
La longue lutte pour la reconnaissance
« Quand dormir devient impossible, que les médecins affirment que ce n’est rien et qu’il suffit de bouger, ou que l’entourage laisse entendre que c’est dans la tête, la détresse est immense. Chaque fois que la maladie est évoquée dans les médias, des personnes nous contactent pour nous dire combien elles sont soulagées de pouvoir mettre un nom sur leurs symptômes », souligne Simone Ruellan. À cet égard, l’obtention en 2023 de l’agrément des associations d’usagers de santé a été une étape importante pour France Ekbom : « Être reconnue par les autorités publiques permet de nous positionner par rapport à certains médecins, mais la route est encore longue », note Simone Ruellan.
Les malades sont souvent considérés comme hypocondriaques ou dépressifs, ce qui retarde une prise en charge adaptée. « Des neurologues et quelques médecins du sommeil connaissent la maladie, savent la traiter et suivent les patients d’une manière sérieuse, mais ils ne sont pas encore assez nombreux. Le soutien et l’orientation des malades, l’information et la sensibilisation des médecins sont les premiers objectifs de notre association », poursuit Simone Ruellan.
La principale hypothèse est un dysfonctionnement de la dopamine, neurotransmetteur clé dans la régulation des mouvements. On sait que le fer influe sur la dopamine, le taux de ferritine est donc à vérifier avant tout traitement : chez certaines personnes, lorsque la supplémentation en fer est suffisante, les symptômes s’en trouvent améliorés. Des recherches génétiques ont également mis en évidence l’implication des gènes MEIS1 et BTBD9. Cependant, même dans les cas de jumeaux monozygotes, il n’est pas systématique que les deux individus développent la maladie. Comme souvent, la maladie est la croisée de plusieurs facteurs, à la fois génétiques et environnementaux.
Des traitements non dénués d’effets secondaires
Aujourd’hui, il n’existe pas de traitement curatif, les solutions proposées visent uniquement à soulager les symptômes. Les agonistes dopaminergiques (AD), utilisés dans la maladie de Parkinson, sont prescrits en première intention. « Ils sont efficaces mais, trop fortement dosés, ils exposent au syndrome d’augmentation : au lieu de soulager les symptômes, le traitement les augmente et ils surviennent plus tôt dans la journée », indique Simone Ruellan. Le médecin prescripteur doit aussi rester attentif aux effets secondaires possibles, d’ordre comportemental.
D’autres approches thérapeutiques existent. Les médecins bien informés recourent de plus en plus en première intention aux antiépileptiques, soit seuls, soit en association avec les AD, pour tenir compte des risques liés à ces derniers, qu’ils ne délivrent que pour les cas sévères. Des antalgiques opioïdes sont également prescrits, toutefois, ils comportent également des risques d’effets indésirables importants. « Certains médecins ont peur des effets secondaires et ne prescrivent donc pas de traitement. La prise en charge repose sur une adaptation individuelle fine qui nécessite un suivi attentif », plaide Simone Ruellan.
Autre difficulté pour les patients : les traitements antiparkinsoniens ne sont pas remboursés officiellement par les caisses d’Assurance maladie pour la maladie de Willis‑Ekbom – alors qu’ils le sont pour la maladie de Parkinson. Pour le moment, si la maladie n’est pas précisée sur la prescription, le malade est remboursé. « Cela contribue à la non-prescription des traitements par certains médecins qui craignent un redressement, alors que pour les patients atteints sévèrement, le quotidien sans traitement est invivable », s’indigne Simone Ruellan.
En l’absence de thérapie curative, les patients développent des stratégies personnelles pour supporter les symptômes. « Toutes les nuits, avant qu’un traitement ne me soit prescrit, je lisais en marchant dans mon appartement », se souvient Simone Ruellan. D’autres alternent douches froides et chaudes, recourent aux massages, à l’autohypnose ou encore aux jeux vidéo pour détourner leur attention. « Le partage d’informations est essentiel pour ne pas aggraver les symptômes : une pratique sportive intensive par exemple n’apporte pas d’amélioration, elle est même à éviter après 16 heures car elle augmente les symptômes la nuit suivante », avertit Simone Ruellan.
Briser l’isolement des patients fait partie des missions de France Ekbom, tout comme soutenir la recherche scientifique, un combat essentiel pour offrir un soulagement durable à toutes les personnes atteintes.
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