Etude Assos-Dents Maladie chronique & Santé orale : de premiers résultats qui valident l’intérêt d’une approche participative

Les premiers résultats d’une grande enquête visant à améliorer la santé bucco-dentaire des patients atteints de maladies chroniques à composante inflammatoire ou auto-immune ont été récemment dévoilés. Elle a été co-construite par le consortium « Assos-Dents » regroupant l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), la Filière Fai2R ainsi que plusieurs associations de patients dont France Assos Santé. Décryptage d’une méthodologie collaborative innovante.

Démarrée il y a plus d’un an et demi, elle éclaire les habitudes de suivi bucco-dentaire des patients interrogés et leur adhérence ou non aux recommandations pour une bonne santé orale. Articulée aussi autour de l’évaluation des risques de maladies parodontales et dentaires (caries, usures…), elle permet de mesurer si le dentiste adapte ou non sa prise en charge en fonction de la pathologie et/ou des traitements pris par les malades, tant ces deux éléments peuvent avoir un impact ou être impactés par la santé bucco-dentaire.

Forte de 2 581 répondants (813 personnes atteintes d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin, 321 concernées par une maladie de Sjögren ou encore, entre autres, 722 souffrant d’une polyarthrite rhumatoïde), les premiers résultats descriptifs de cette enquête ont été rendus publics en juin dernier, notamment sur un enjeu transversal porté par France Assos Santé, celui des renoncements aux soins bucco-dentaires à cause de restes à charge trop importants.

Des enjeux communs de santé bucco-dentaire

L’idée de ce travail remonte à une précédente étude sur la santé bucco-dentaire menée par l’AP-HP sur une cohorte de malades (polyarthrite rhumatoïde) promue par la Société

Française de Rhumatologie et gérée par Sanoïa, société de services à la recherche. « Le postulat de départ était de se dire que cette problématique était sans doute commune à de nombreuses pathologies chroniques à composante inflammatoire ou auto-immune », explique Hervé Servy, le directeur opérationnel de cette CRO spécialisée dans les études innovantes en vie réelle. Cette dernière suggère alors, toujours avec l’AP-HP, d’initier une nouvelle enquête, plus large, en y intégrant cette fois-ci une dizaine d’associations de patients. « Elles connaissent beaucoup d’éléments dont nous, praticiens, nous ne prenons pas forcément la mesure. De plus, elles ont une capacité que nous n’avons pas à fédérer, mobiliser les personnes intéressées par notre sujet de recherche », précise Marjolaine Gosset, professeure à l’Université Paris Cité en parodontologie, praticienne hospitalière à l’AP-HP, investigatrice de l’étude.

Un questionnaire modulaire et accessible à tous

La première étape a été de bâtir un questionnaire modulaire intégrant les propositions de chacune de ces associations, Sanoïa veillant à aboutir à un consensus. « Nous avons pratiqué de la maïeutique, au sens philosophique grec du terme, en les guidant à rester dans le thème, à produire un document court afin de maximiser les chances de réponses et distinguer les points à garder dans la partie commune du projet et ceux à mettre dans celle spécifique à chaque communauté de patients, notre plateforme adaptant en temps réel les questions à chaque répondant selon ses réponses précédentes », détaille Hervé Servy.

Au-delà du sujet, cette co-construction a beaucoup séduit les associations, ravies d’être sollicitées pour porter leurs particularités tout en partageant différents points de vue et faisant cause commune. « La santé bucco-dentaire et sa prise en charge reviennent souvent dans les échanges avec nos malades mais sont finalement peu évoquées dans la littérature scientifique. Par ailleurs, pour nous, il était intéressant de regrouper les trois formes de la maladie alors qu’habituellement la myasthénie auto-immune, la plus courante, est le plus souvent traitée dans des études », se réjouit Annie Archer responsable du groupe d’intérêt Myasthénies au sein de l’AFM-Téléthon.

Refléter les parcours et expériences des différentes maladies

Une fois terminé, le questionnaire, ouvert à tous y compris aux patients qui ne souffrent pas de maladies chroniques afin de pouvoir comparer les populations entre elles avec des groupes contrôles, a été diffusé par les associations, via notamment leurs réseaux sociaux respectifs. L’AP-HP a ensuite réalisé une première analyse des réponses et leur en a fourni une synthèse générale, mais aussi une plus spécifique à leur pathologie. Le but ? Refléter au plus juste les parcours et expériences des différentes maladies et offrir un prisme d’analyse enrichi sur les propres difficultés éventuelles rencontrées. « Les premiers résultats confirment que nos malades ont une moins bonne santé bucco-dentaire que la population générale ainsi que des renoncements aux soins plus marqués. Ils vont nous permettre de voir comment améliorer nos supports d’information sur le sujet et être plus pertinent dans les actions menées », se félicite Sandrine Rollot secrétaire générale de l’AFPric (Polyarthrite rhumatoïde).

Un travail collaboratif enrichissant

Une deuxième phase d’analyse des réponses est en cours, des résultats consolidés sont espérés d’ici la fin de l’année. En attendant, tous les acteurs de cette enquête sont unanimes : travailler en collectif a été une expérience enrichissante et déjà pleine d’enseignements. « Avec des chiffres nombreux, une population interrogée importante, des pathologies diverses, elle va permettre aux actuels et futurs praticiens auxquels elle est aussi destinée, une réelle prise de conscience sur cette question de la santé bucco-dentaire, de leur faire comprendre que chaque patient est à individualiser en fonction de sa maladie », développe Marjolaine Gosset qui l’a dirigée.

Ce projet collaboratif, peu courant à cette échelle, en appelle d’autres. « Nous croyons à une démocratie en santé qui passe par une démocratie des données. Nous pensons que les associations de patients ont un rôle grandissant en tant que producteurs de données pour appuyer leurs plaidoyers et nous sommes à leur côté pour les accompagner », insiste Hervé Servy de Sanoïa, qui en a accompagné la conception.

« Il y a urgence à agir pour une prise en charge buccodentaire accessible »

Près de 30 % des répondants déclarent avoir déjà renoncé à des soins dentaires. Les raisons économiques restent majoritaires puisque les restes à charge trop élevés sont un motif de renoncement aux soins buccodentaires pour près de 71,5% d’entre eux, quand 36% indiquent ne pas pouvoir avancer les frais de leurs soins. Catherine Simonin, administratrice de France Assos Santé, réagit à ces premiers résultats : « Ces données confirment l’urgence d’agir pour une prise en charge buccodentaire accessible, adaptée et respectueuse des besoins de tous. La maladie chronique rend les personnes plus vulnérables sur le plan de la santé orale et sur le plan financier, une double peine inacceptable pour un grand nombre d’entre eux comme le montre cette étude ».

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