Les malades particulièrement exposés à la dénutrition

La Semaine de la dénutrition, du 17 au 23 novembre, met en lumière une maladie silencieuse mal dépistée. Le plus souvent liée à une perte d’appétit en rapport avec une pathologie ou un ensemble de facteurs, elle toucherait près de 2 millions de personnes en France. Celles atteintes d’un cancer ou de la maladie d’Alzheimer sont particulièrement concernées.

Selon la Haute Autorité de santé (HAS), la dénutrition représente l’état d’un organisme en déséquilibre nutritionnel caractérisé par un bilan énergétique et/ou protéique négatif. « C’est le résultat de ne pas manger assez par rapport à ses besoins », résume simplement Arnaud De Luca, pédiatre au CHRU de Tours, professeur de nutrition et membre du collectif de Lutte contre la dénutrition. Deux millions de Français en seraient victimes dont environ 800 000 personnes âgées. Ils souffrent d’un amaigrissement important souvent lié à une baisse d’appétit, d’une diminution du tissu constitué de cellules graisseuses et surtout de la masse des muscles du corps. Cette fonte musculaire est à l’origine de la plupart des complications, en particulier pour les personnes malades.

La dénutrition concerne entre 20 et 40 % des personnes hospitalisées, et près d’une sur deux parmi les patients âgés. « Elle aggrave le pronostic car elle entraîne une baisse des défenses immunitaires, un retard de cicatrisation, ou encore une perte d’autonomie. Le temps d’hospitalisation est allongé, avec à la clé une majoration des coûts. Chez les personnes les plus dénutries, le risque de mortalité augmente : il est multiplié par 2 à 4 dans le cas des maladies chroniques », développe Gaëlle Soriano, diététicienne-nutritionniste, docteure en épidémiologie au CHU de Toulouse, et membre du collectif de Lutte contre la dénutrition.

Des protocoles de soins impactés

Environ 40 % des personnes atteintes d’un cancer sont dénutries, avec un pourcentage plus élevé pour les cancers ORL et digestifs. « Les traitements contre la maladie, souvent lourds, en particulier la chimiothérapie, en sont la principale cause. Ils ont de nombreux impacts : troubles digestifs, perte d’appétit, modification du goût, soucis au niveau de la bouche… La dénutrition peut gêner, voire empêcher le protocole de soins, dégradant encore plus la qualité de vie des patients », explique Annaëlle Reiser, diététicienne- nutritionniste, référente sur le sujet à la Ligue contre le cancer.

Les personnes atteintes de troubles cognitifs sont également souvent exposées. C’est le cas pour 40 % des malades d’Alzheimer, avec comme conséquence majeure, une perte d’autonomie due à une faiblesse notamment musculaire. « Les facteurs sont multiples : problèmes de déglutition liés à la maladie, mauvaise hygiène bucco-dentaire, repas pas adaptés en termes de temps et d’alimentation ou encore dépression, apathie, isolement social », énumère Hélène Clari, directrice des missions sociales chez France Alzheimer.

Un dépistage insuffisant

Tous les chiffres donnés précédemment ne sont que des estimations, la dénutrition des malades souffrant d’un manque ou d’un retard de dépistage. Malgré les recommandations de la HAS, elle est sous-diagnostiquée à l’hôpital comme en ville. « En milieu hospitalier, elle n’est réellement repérée que dans 10 à 30 % des cas. Ce défaut de dépistage est multifactoriel. Le personnel médical et paramédical n’est pas encore suffisamment sensibilisé au risque de dénutrition des malades ni formé à son repérage. Elle est souvent confondue avec la maigreur alors qu’elle ne se réduit pas à ce seul critère. La perte de poids et de muscle est à rechercher également. Par ailleurs, les soignants étant surchargés, le dépistage est souvent perçu à tort comme chronophage et non urgent », déplore Gaëlle Soriano. Elle rappelle que ce dépistage repose sur des gestes simples : peser les patients à l’admission puis assurer un suivi régulier du poids, mesurer la taille afin de pouvoir calculer l’indice de masse corporelle (IMC). Désormais, il est également recommandé de prendre en compte les indicateurs de sarcopénie, tels que la force et la masse musculaire.

Des leviers d’actions nombreux

Une fois la dénutrition diagnostiquée, il est alors plus facile de mettre en place des solutions pour tenter de la contrer (lire ci-dessous). « Pour les personnes malades, il faut par exemple privilégier les aliments de type “manger mains”. Des cakes ou des bouchées qui permettent de maintenir l’autonomie de la personne et ne pas la contraindre à rester à table pour manger si elle ne le souhaite ou ne le peut pas. Ce qui est peu fait à l’hôpital ou dans les établissements médico-sociaux, comme les Ehpad », explique Hélène Clari de France Alzheimer.

A travers, entre autres, des ateliers de cuisine, l’association œuvre au quotidien pour faire connaître les risques de dénutrition des malades. Pour la Ligue contre le cancer, c’est également un sujet majeur. « Nous proposons aux patients une consultation individuelle, ouverte aussi aux proches, pour faire le point sur leur alimentation et les effets secondaires de la maladie et du traitement », précise Annaëlle Reiser du comité du nord. Au-delà de la prévention, associations de patients et spécialistes militent pour que manger redevienne un plaisir, un moment convivial, malgré la maladie.

Conseils pour une alimentation plus adaptée aux malades

  • Enrichir les repas (les rendre plus caloriques, plus protéinés). Sans augmenter les portions. Exemple : rajouter de la crème fraîche, du fromage râpé ou un œuf ;
  • Fractionner les repas ;
  • Adapter les textures ;
  • Faire participer les malades aux courses, à la préparation des repas ;
  • Proposer des activités physiques adaptées comme une promenade avant le repas pour ouvrir l’appétit.

10 à 15 % des enfants hospitalisés sont dénutris

Chez les enfants, la dénutrition est liée à une maladie chronique dans plus de la moitié des cas. Dans les autres situations, elle vient s’ajouter à une maladie aiguë. « En France, il y a très peu de cas dus à des facteurs socio-économiques. Par ailleurs, même si on peut toujours optimiser les choses, les chiffres sont plus solides que pour les adultes car le sujet de la dénutrition croise celui, relativement bien suivi, de la croissance », indique Arnaud De Luca, pédiatre au CHRU de Tours et professeur de nutrition. Face à un enfant malade dénutri, il faut, là aussi, adapter l’alimentation en fonction des situations, des besoins, des pathologies. « L’aspect nutritionnel est souvent un des éléments majeurs de la relation parents/enfants, ce qui est un avantage par rapport à un adulte qui peut être plus isolé. Les parents doivent assurer une présence au moment des repas et accompagner les équipes médicales », conseille le spécialiste. Gaëlle Soriano, diététicienne-nutritionniste, est à l’unisson. En complément, elle alerte sur les régimes restrictifs (sans gluten, sans lait…) décidés parfois par les parents sans raisons médicales valables. « Ils peuvent provoquer des carences potentiellement lourdes de conséquences pour la santé et le développement de l’enfant », insiste-t-elle.

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