Porté par la FHF, le programme de sensibilisation La Tête haute, offre une immersion dans le parcours de vie de ses sept participants, pour rendre la psychiatrie visible et humaine. Exposition photo, podcast, poster… autant de déclinaisons pour libérer la parole et corriger les clichés.
La santé mentale était encore considérée comme un sujet tabou par 75% des Français en 2024, selon un sondage IFOP . Un an seulement avant que l’année 2025 ne soit dédiée à cette grande cause ! C’est pour libérer la parole et déstigmatiser les troubles psychiques que le programme de sensibilisation « La Tête haute » a vu le jour en juillet dernier. Porté par la Fédération hospitalière de France (FHF), en partenariat avec la CASDEN et le service d’information du gouvernement, le programme s’est notamment traduit par une exposition temporaire, en juillet dernier, à la galerie Fisheye, à Paris. Elle donnait à voir et entendre sept témoignages et morceaux de vie de patients, soignants, aidants, capturés par l’objectif de la photographe Charlotte Abramow.
Cinq patients et deux soignants sont ainsi photographiés et confient leurs parcours de vie et leurs difficultés. Des témoignages que l’on peut aussi écouter via ce podcast. « Les photos sont très belles et parlantes, elles m’ont beaucoup touchée, témoigne Claude Finkelstein, présidente de la Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie (FNAPSY). Je viens d’une famille d’artistes. Anatole Jakovski, le grand défenseur de l’art naïf, disait que cet art était comme un coup de fusil en plein cœur. Cette exposition m’a fait le même effet ! L’objectif d’humaniser la maladie psychique est atteint. » Et dans le contexte de l’année de la santé mentale, qui concerne toute la société civile, ajoute-t-elle, « je trouve très intéressant de mélanger les témoignages de soignants et patients, tous concernés par la maladie psychique ».
Tout le monde peut être concerné
« Il n’y a pas d’un côté les personnes concernées par les troubles psychiques et, de l’autre, les personnes qui vont bien. Ni d’un côté, les soignants, et de l’autre, les patients. Non, il n’y a pas de séparation. Chacun peut basculer de l’autre côté en raison de la souffrance ». David Dauver, infirmier en psychiatrie et case manager, est bien placé pour en parler. Son portrait a toute sa place dans l’exposition La Tête haute puisqu’il a longuement accompagné son père, qui souffrait de maladie neurodégénérative, et a lui-même traversé plusieurs épisodes de dépression. « Au départ, j’avais fait des études de psychologie, mais j’ai dû arrêter en cours de route car il fallait que je gagne ma vie. Mon père était malade et, à un moment donné, s’est posée la question : est-ce que je veux l’accompagner ? Je l’ai fait pendant plus de dix ans. A l’issue de ce parcours de vie, je devais savoir si c’était juste une parenthèse ou si je tirais quelque chose de cette expérience. Je savais que le métier d’infirmier était en tension et que je pouvais reprendre mes études dans ce domaine-là. C’est comme ça que je me suis formé ». L’infirmier travaille depuis cinq ans au sein du CJAAD, une équipe d’intervention précoce consacrée aux troubles psychiques émergents chez les jeunes de 15 à 30 ans, rattachée au GHU Psychiatrie, à Paris. « Nous accompagnons les jeunes qui sont à haut risque de transition psychotique. C’est un accompagnement global, bio-psycho-social, pour les épauler dans leur projet de vie et les aider à ne pas décrocher », explique-t-il.
« Créer un déclic »
Comment ce programme La Tête haute peut-il participer à déstigmatiser les maladies psychiques ? « Se confronter à des témoignages est essentiel, répond David Dauver. Ce sont ces rencontres qui permettent de comprendre que les différences et les troubles psychiques s’expliquent parfois par des parcours de vie compliqués, par des choix qui ont été faits à un moment donné. » Et d’observer : « Lors de mes formations, j’ai constaté plusieurs fois que ce moment où une personne confie son parcours de vie, son parcours de soins en santé mentale, créé un déclic chez les auditeurs. Cette transmission peut changer profondément les idées reçues que de nombreuses personnes ont autour des troubles psychiques ».
Autre façon de créer le déclic, l’humour. « Le site Le Gorafi et l’association Positive Minders ont mené en avril une campagne percutante lors des Journées de la schizophrénie. La prétendue dangerosité des schizophrènes y est tournée en dérision et cela fonctionne très bien », illustre David Dauver. De faux titres de presse comme « Des morceaux d’un compositeur disparu retrouvés au domicile d’un schizophrène » ou encore « Liège : un schizophrène s’introduit dans l’appartement d’une femme avec une scie…et lui fabrique un placard sur-mesure en moins de deux heures » ont forcément interpellé les lecteurs. Et, espérons-le, déclenché une réflexion sur les très nombreux clichés en circulation ! « Lors de nos formations, nous rappelons que 1,2% de la population est touchée par des troubles psychotiques, soit 700 000 personnes, ce n’est pas rien ! Dans la grande majorité, ces personnes ne sont pas en hôpital psychiatrique et sont insérées dans la société », rappelle l’infirmier.
Former et informer
En parallèle, d’autres actions sont nécessaires et réclamées par les professionnels de la santé mentale. Former et informer sans relâche, tel est le fil rouge pour avancer plus vite vers la déstigmatisation. FNAPSY a ainsi décidé d’organiser toute une série de réunions publiques, comme l’explique sa présidente, Claude Finkelstein. « Début 2025, la mairie de Paris avait organisé une grande réunion avec des personnes et familles concernées, des infirmiers, des médecins généralistes et psychiatres qui ont reçu la population et répondu à leurs questions de façon ouverte et collective. Dans la foulée, nous avons décidé d’organiser d’autres réunions de ce type. » La prochaine aura lieu le 14 octobre à Marseille, en association avec le président de Région, et FNAPSY continuera en 2026 dans une dizaine de grandes villes : Lyon, Rennes, Lille, etc… « Notre message clé est simple : lorsqu’un proche traverse plus qu’un simple mal-être, il faut l’inciter à consulter et à faire un dépistage afin qu’il soit pris en charge à temps et n’aie pas dix années de sa vie impactées », souligne Claude Finkelstein.
Où (re)voir l’expo ?
Présentée au Festival Pop et Psy mi-octobre à Paris, elle peut être « parcourue » en se rendant sur la page dédiée du site de la FHF qui met à disposition vidéo, interview, notamment de la photographe, et photos de l’inauguration. Parallèlement, partout en France, les établissements peuvent utiliser le kit de sensibilisation imprimable, conçu comme un poster pédagogique ou destiné à être distribué, affiché ou présenté dans les lieux de santé, d’éducation, ou lors d’évènements partenaires et grand public.

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