Les CPTS, de quoi parle-t-on ?

Comment répondre aux besoins de santé de tous les Français ? Dans le contexte de pénurie de médecins généralistes que l’on connait, l’une des solutions passera peut-être par les quelque 800 Communautés professionnelles territoriales de santé, ou CPTS, installées sur l’ensemble du territoire. C’est en tout cas la mission première de cette organisation : renforcer collectivement l’accès aux soins sur un territoire donné.

En mars dernier, la Fédération des communautés professionnelles territoriales de santé (FCPTS) a publié les résultats de La Grande enquête des CPTS, obtenus sur la base d’un questionnaire envoyé à 624 CPTS, représentant les 18 régions françaises, pour un total de 207 réponses. Cette enquête visait notamment à « avoir une meilleure connaissance des CPTS » et, sur la mission accès aux soins, à « identifier des éléments tangibles démontrant leur plus-value ». L’occasion de faire un point sur ce qui n’est pas une instance de représentation des usagers – même si ces derniers peuvent participer à certains projets, voire siéger au conseil d’administration d’une CPTS –, mais un dispositif inclusif conçu, comme son nom l’indique, pour les professionnels de santé (médecins généralistes et spécialistes, libéraux et salariés, exerçant en ville et à l’hôpital, pharmaciens, infirmiers, kinés, sages-femmes, etc.) auxquels peuvent également se joindre des professionnels médico-sociaux, voire sociaux, d’un même bassin de population. Dotées d’un budget, qui varie selon la taille de la population du territoire, ces CPTS définissent un projet de santé, dont les grands axes sont validés par les autorités de tutelles, ARS et CPAM, et fixés par un accord conventionnel interprofessionnel (ACI). L’adhésion des professionnels de santé se fait sur la base du volontariat. Le temps investi dans la conduite d’actions de prévention ou dans le montage de projets donne lieu à un dédommagement.

20 % des adhérents très actifs

Contrairement à une idée reçue, le déploiement des CPTS ne concerne pas que les territoires reculés. Direction le 9e arrondissement de Paris où s’est montée la CPTS Paris Neuf. Sa création remonte à la fin 2021, à l’initiative de trois centres de santé installés entre Gare du Nord, Gare Saint-Lazare et les Folies Bergère et dont la volonté était de s’attacher davantage aux besoins des 61 000 habitants de cet arrondissement de la rive droite. La suite avec Isabelle Labusquière, la coordinatrice de la communauté : « Notre projet de santé repose sur six missions, dont 4 missions socles, obligatoires : faciliter l’accès aux soins des habitants du territoire  (aider à la recherche de médecins traitants, améliorer la prise en charge des soins non-programmés en ville…), élaborer et mettre en place des parcours de soins pluriprofessionnels autour du patient, développer la prévention et les dépistages à l’échelle de la population du 9e arrondissement, et contribuer à la réponse apportée en cas de crise sanitaire grave. » Les 2 autres missions, optionnelles, visent à renforcer, l’une, la qualité et la pertinence des soins, l’autre, l’accompagnement des professionnels de santé (appui à l’installation, soutien psychologique…).

Disparate, mais pas pour autant déshérité, le 9e arrondissement ne compte toutefois que 61 médecins généralistes libéraux. Et plus de la moitié des médecins généralistes du territoire ont entre 55 et 65 ans. Bref, chaque départ fait l’effet d’une petite secousse sismique. Outre qu’elle a pu recruter en juin 2024 une infirmière pour l’épauler dans la mise en place des parcours de soins, plus de trois ans après son arrivée, en février 2022, Isabelle Labusquière estime que l’implantation de la CPTS a pris. « On compte aujourd’hui 240 professionnels de santé et médico-sociaux adhérents et les 30 départs que nous avons enregistrés font suite à un déménagement ou un départ à la retraite, rapporte-t-elle. Cela dit, seulement 20 à 25 % des adhérents sont actifs et, sans surprise, les professionnels de santé les plus enclins à travailler ensemble sont les plus jeunes. » Or, c’est bien l’enjeu des CPTS : travailler à une meilleure coopération et coordination des soins entre les professionnels de santé du territoire.

Acteurs associatifs plutôt que RU ?

En dépit de missions socles partagées par l’ensemble des quelque 800 CPTS recensées à ce jour, chaque territoire reste unique. Dans le 9e arrondissement de Paris, il n’y a pas d’hôpital, par exemple, contrairement aux 1er, 2e et 4e arrondissements de Lyon, territoire que couvre la CPTS Croix-Rousse Presqu’île, hébergée par l’hôpital du même nom. Dès lors, l’amélioration du parcours santé ville du patient, après une hospitalisation, constitue un enjeu d’importance pour cette CPTS fondée le 31 mars 2023 et qui comprend aujourd’hui plus de 190 membres. Michel Sabouret, représentant des usagers (RU) à la Commission des usagers (CDU) de l’hôpital de la Croix-Rousse (entre autres mandats), a rejoint la CPTS, où il siège au Conseil d’administration, non pas en tant que RU, mais comme représentant associatif, en l’occurrence de l’association Jamalv 69. « Je m’intéresse depuis toujours aux difficultés d’accès aux soins, j’ai donc pris contact avec cette CPTS pour voir ce que je pouvais éventuellement faire, raconte-t-il. J’ai invité ses responsables à venir se présenter devant les membres de la CDU de mon établissement, pour aborder le sujet de la coordination de leurs actions respectives et faire le lien entre l’hôpital et la ville. Les RU en CDU devraient savoir si le territoire dont ils dépendent a une CPTS et, si c’est le cas, si la structure de soins où ils siègent a passé une convention avec la CPTS. » Les adhérents de la CPTS Croix-Rousse Presqu’île cherchaient un acteur associatif disposé à les rejoindre. Michel Sabouret s’est proposé et sa candidature a été acceptée. En tant que représentant de l’association Jamalv 69, il a été sollicité par un infirmier sensibilisé aux soins palliatifs pour donner son avis sur l’organisation d’une coordination entre les membres de la CPTS pour l’accompagnement des personnes en fin de vie.

Pas de représentant des usagers stricto sensu au Conseil d’administration de la CPTS Paris Neuf, dont l’un des collèges comprend trois usagers, au nombre desquels la directrice de la Maison des aînés et des aidants M2A/DAC Paris Nord-Est. « En fait, qu’il y ait des RU ou non, cela dépend de l’environnement, souligne Françoise Piqué Le Cun, RU siégeant à la CPAM du Val d’Oise et au Conseil d’administration de la CPTS Val d’Oise Centre en sa qualité de représentante des usagers. Les deux médecins qui président la CPTS sont sensibilisés à la démocratie en santé. J’ai donc été conviée dans un premier temps comme observatrice, puis on m’a admise au sein du conseil, au même niveau que les autres membres. En tant que RU, nous avons un rôle de sentinelle et, à ce titre, toute notre place dans la gouvernance des CPTS. »

S’investir dans le lien hôpital/ville

Faire remonter les besoins du territoire est effectivement indispensable pour mener des actions qui soient pertinentes. « Pour toutes nos actions de prévention et de dépistage, je travaille systématiquement en partenariat avec des associations de patients et/ou des centres de santé partenaires, indique Isabelle Labusquière. Le dialogue est ouvert, c’est une nécessité bien comprise par les professionnels de santé pour des opérations grand public. Et ces partenariats sont très appréciés par les médecins et les patients. » Opérations de sensibilisation au diabète de type 2 et à la santé de la femme, mise en place d’un programme de dépistage et de prise en charge de la fragilité motrice du sujet âgé pour lui permettre de rester le plus longtemps possible à son domicile, repérage précoce des troubles du neurodéveloppement chez l’enfant… « Lors d’une réunion en prévision d’une action sur les troubles cognitifs et psychiatriques du sujet âgé, à laquelle ont participé plus d’une vingtaine d’associations non-adhérentes qui ne se connaissaient peu ou pas entre-elles, j’ai compris, à ce moment-là, l’utilité de notre CPTS », confie Isabelle Labusquière. La prévention est centrale pour éviter autant que possible d’être hospitalisé, selon Michel Sabouret. « L’hôpital doit rester un accident de la vie », résume-t-il. Reste la sortie. « Les représentants des usagers doivent s’intéresser davantage à ce qui se fait à l’extérieur de l’établissement de santé en termes d’accompagnement du patient », reprend-il. C’est aussi l’opinion de Françoise Piqué Le Cun : « Il y a les missions historiques (plaintes et réclamations, etc.) au sein de l’établissement de santé, mais il y a aussi la suite. Quid du patient, après ? Le travail de sensibilisation des CPTS sur la notion du parcours et la manière d’accompagner les patients en dehors de l’hôpital font partie des nouvelles thématiques dont on doit s’emparer ».

Selon l’enquête de la Fédération des CPTS, ces dernières « ont réussi à structurer et animer un réseau de partenaires en proximité avec une tendance forte à associer ces acteurs à leur gouvernance ». Concrètement, les CPTS répondantes travaillent à 90,5 % avec les centres hospitaliers, à 87 % avec les dispositifs d’appui à la coordination (DAC), à 83 % avec les Maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), à 80 % avec les établissements sociaux et médicosociaux, etc. En bout de liste, les représentants des usagers sollicités seulement dans 51 % des cas, contre 71 % en ce qui concerne les associations locales. Quant à savoir si les CPTS réussiront à mener à bien leur mission n°1 (« Faciliter l’accès aux soins »), les réponses sont très variables, d’une CPTS à l’autre, d’après l’enquête de mars 2025. « Quand on est sollicité par une structure médico-sociale, pour un patient polymédicamenté qui n’a plus de médecin traitant, on contacte les médecins généralistes de l’arrondissement, car parfois leurs patients déménagent. Pour autant, on ne peut pas faire de miracles au prétexte qu’on est une CPTS », énonce Isabelle Labusquière. Le frein majeur à la bonne réalisation de la mission « Accès aux soins » reste, loin devant les autres, le contexte et les perspectives démographiques des professionnels de santé sur le territoire, suivi d’un manque de mobilisation des professionnels de terrain, note l’enquête. Retour à la case départ ?

Les Journées nationales des CPTS se tiendront les 5 et 6 novembre prochains, à Montpellier. Pour se renseigner, rendez-vous sur le site de la FCPTS.

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