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France Alzheimer : un anniversaire chargé d’enjeux et d’espoirs

40 ans après sa création, l’association continue de soutenir et d’accompagner au quotidien les familles touchées par la maladie. En attendant que la recherche trouve enfin comment la guérir.

Joey Starr évoquant Alzheimer durant 17 minutes, la voix parfois étranglée par l’émotion : l’image est bien éloignée de celle qu’on pouvait se faire de l’ancien pilier du groupe de rap NTM. Face caméra, le quinquagénaire décrit avec minutie les premiers signes qui ont éveillé ses doutes, il y a deux ans, quand sa mère a soudainement abandonné toute coquetterie, s’est mise à parler aux photos, à sortir faire ses courses à 21 heures, et n’a plus allumé la télévision qu’elle chérissait tant jusque-là. Aujourd’hui, confie-t-il, elle est redevenue une petite fille, il doit veiller sur elle comme un père, et il s’étonne : tant de patients (1,4 millions d’Alzheimer et de de maladies apparentées, selon une étude européenne de 2019) et de familles touchées, et finalement si peu de communication autour du tsunami que représentent l’arrivée de la maladie et ses répercussions, tant affectives que logistiques, comme accepter la « régression », le dialogue qui s’éteint ou trouver un endroit adapté.  « C’est dur de se faire cueillir, explique l’acteur et chanteur. Et même quand tu as les moyens, c’est compliqué, vertigineux. Tu te débrouilles seul, le système n’est pas accompagnant. »

« Ne restez pas seuls ! »

Mis en ligne en juin 2025 pour les 40 ans de l’association France Alzheimer, ce témoignage fait partie de la série « Territoire de l’intime », dans laquelle plusieurs personnalités et anonymes livrent leur expérience de la maladie, « qui reste taboue », insiste Evelyne Belzunces-Meyer, ancienne aidante et présidente de France Alzheimer Aude. « Aujourd’hui encore trop de familles restent dans le déni, ne savent pas ou n’osent pas demander d’aide. A France Alzheimer, on continue de leur dire : ne restez pas seuls ! », précise-t-elle. « La maladie isole les malades comme les aidants, on est là pour leur apporter du soutien et leur permettre de renouer le lien social », résume Benoit Durand, directeur délégué de France Alzheimer, fier du chemin parcouru depuis 40 ans.

A la naissance de l’association, en novembre 1985, tout restait à faire, car le diagnostic était rare, la maladie peu médiatisée et les solutions, pour le patient comme pour ses aidants, quasi inexistantes. « A la fin des années 1990, quand ma mère est tombée malade, on ne parlait pas encore beaucoup d’Alzheimer, on assimilait tous les cas à une démence sénile, et on en restait là », se souvient Evelyne Belzunces-Meyer, qui s’est débrouillée comme elle a pu à l’époque pour gérer la situation : « Ma sœur assurait la semaine, et moi, le week-end ». Une expérience qui nourrit aujourd’hui son action en tant que bénévole.

Les missions de l’association sont multiples : soutenir et financer la recherche, informer l’opinion publique et sensibiliser les pouvoirs publics sur la maladie, mais aussi et surtout accompagner patients et aidants au quotidien, via des ateliers de mobilisation cognitive, des séances de relaxation, d’activité physique adaptée, de musicothérapie, de zoothérapie, des groupes de parole, des sorties, des séjours vacances et de répit pour l’aidant et la personne malade, à prix modérés. Des formations sont aussi proposées, tant pour les professionnels de santé que pour les bénévoles et les aidants. « Dès l’inscription, l’aidant est pris en charge par un psychologue. On l’accompagne aussi pour lui apprendre à connaître ses droits et à gérer la situation », reprend la présidente de France Alzheimer Aude qui gère une vingtaine de bénévoles et d’intervenants spécialisés dans son département. Elle regrette cependant que « trop de familles viennent nous voir tardivement, quand elles n’en peuvent plus, alors qu’on aurait pu les aider plus tôt ».

Des besoins loin d’être comblés

Avec 102 associations locales et plus de 2 200 bénévoles, France Alzheimer offre un maillage très dense. L’association, présente dans chaque département, soutient aujourd’hui quelque 200 000 personnes, dont elle s’efforce d’alléger le quotidien. « On aimerait bien ne plus avoir à exister, ça voudrait dire que tout est réglé… mais il reste encore tant à faire », constate Benoit Durand.

Médicalement, déjà, si les vingt dernières années ont vu de réels progrès dans la compréhension, le diagnostic et la prise en charge de la maladie, il n’y a toujours pas de traitement curatif. Le médicament Leqembi (lecanemab), qui suscitait beaucoup d’espoir, n’est toujours pas disponible en France, la Haute Autorité de santé ayant refusé le 9 septembre dernier d’en autoriser l’accès précoce, jugeant ses bénéfices trop modestes au regard de ses possibles et graves effets secondaires. Leqembi était pourtant le premier traitement depuis des décennies à démontrer « un ralentissement du déclin cognitif de 27 % sur 18 mois », ce qui constituait « une vraie avancée », précise le Dr Emmanuel Cognat, neurologue et président du conseil scientifique de France Alzheimer. « Ce refus est une vraie déception, commente Kevin Rabiant, responsable du service études et recherche de l’association. Une porte était en train de s’ouvrir et la décision de la HAS la referme brutalement, alors même que le médicament bénéficie déjà aux patients dans d’autres pays. »

Quant à l’accompagnement des malades, il reste douloureux, complexe, et insuffisant : « Il faudrait une vraie ambition pour simplifier l’administratif, faciliter l’orientation, réduire les inégalités territoriales, recruter des personnels formés, augmenter les capacités d’accueil, et développer certains concepts innovants, comme le baluchonnage, qui permet à l’aidant de s’absenter quelques jours du domicile », insiste Benoit Durand, qui déplore aussi l’absence d’aménagements dédiés pour les patients jeunes. Or 55 000 personnes âgées de moins de 65 ans ont la maladie d’Alzheimer.

Début septembre, le lancement de la nouvelle Stratégie nationale Maladie dégénératives a malgré tout sonné comme une petite victoire : attendue depuis des mois, elle donne une feuille de route pour les cinq prochaines années…sans pour autant afficher les mêmes ambitions que le plan Alzheimer lancé sous la présidence du Président Nicolas Sarkozy entre 2008 et 2012. Doté à l’époque d’un budget de plus d’1 milliard d’euros, il avait permis un certain nombre d’améliorations, notamment l’augmentation du nombre des « consultations mémoire » dédiées au diagnostic. « La population vieillit et les besoins des familles sont encore loin d’être comblés. Après le cancer, Alzheimer est la 2e maladie qui fait le plus peur aux Français, il faut une vision et des moyens à la hauteur de cet enjeu », conclut Benoit Durand.

La prévention, la meilleure des solutions pour l’instant

On sait aujourd’hui que la maladie d’Alzheimer n’apparait pas subitement avec l’âge, mais qu’elle évolue en silence pendant des années avant la manifestation des premiers symptômes. D’où l’importance d’agir le plus précocement possible, pour préserver le cerveau et retarder l’apparition de la maladie. D’après une étude de la revue Lancet, publiée en 2024, une prévention ciblée pourrait réduire jusqu’à 45 % le risque de développer une démence. L’étude identifie une quinzaine de facteurs de risque de la maladie, qui sont autant de leviers pour agir en amont : faible niveau d’éducation, perte d’audition, baisse de la vision non traitée, hypertension, tabagisme, obésité, dépression, sédentarité, diabète, consommation excessive d’alcool, taux élevé de LDL-cholestérol dès l’âge de 40 ans traumatisme crânien, pollution atmosphérique et isolement social.

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