Le 21 juin est la Journée mondiale de la sclérose latérale amyotrophique (SLA). Plus connue sous le nom de maladie de Charcot, régulièrement évoquée lors des débats sur le projet de loi relatif à la fin de vie adopté fin mai, en première lecture, par les députés, elle touche près de 8 000 personnes en France. Cette maladie rare restera-t-elle incurable ? En tout cas, la recherche ne renonce pas à trouver un, voire plusieurs traitements ciblés. Etat des lieux.
La sclérose latérale amyotrophique, ou SLA, fait partie des maladies neuro-évolutives. Il s’agit d’une dégénérescence progressive des motoneurones qui sont les cellules qui commandent nos muscles volontaires et nous permettent de bouger, marcher, parler, respirer. En quelques mois, quelques années pour les cas d’évolution un peu plus lente, les malades souffrent, selon la forme dont ils sont atteints, de paralysie, d’impossibilité de parler, de déglutir, donc de se nourrir, et leurs muscles respiratoires peuvent également être touchés. Après les premiers symptômes, leur espérance de vie est en moyenne de 3 ans. En France, cinq nouveaux cas sont diagnostiqués chaque jour et autant de décès parmi les patients.
Une prise en charge médicale complexe
Une fois le diagnostic posé, après parfois de longs mois d’errance médicale, démarre alors pour les patients un parcours de soins jugé « morcelé, décourageant » par l’Association pour la Recherche sur la Sclérose Latérale Amyotrophique (ARSLA). L’une de ses missions principales est de les accompagner eux et leurs proches. « La prise en charge médicale des malades est complexe. Entre deux rendez-vous dans l’un des 22 centres SLA répartis sur le territoire, parfois géographiquement éloignés de leur domicile, ils ont une vraie difficulté à trouver un kinésithérapeute, un orthophoniste, voire un médecin généraliste acceptant de les suivre », détaille Bettina Ramelet sa directrice générale adjointe.
D’un point de vue médicamenteux, il n’existe pas de traitement curatif. Le riluzole, d’une efficacité limitée, utilisé pour freiner la maladie, est le seul autorisé en France depuis ces trente dernières années. Face à ce manque d’option thérapeutique, les malades et leurs familles placent beaucoup d’espoir dans le qalsody, traitement expérimental contre une forme génétique rare de la maladie (1% des cas). Pourtant approuvé par les autorités sanitaires américaines et européennes, la Haute Autorité de santé (HAS), qui souhaite des données complémentaires, a refusé en octobre dernier son remboursement anticipé. En attendant une éventuelle prise en charge par le système de santé français espérée d’ici la fin de l’année, il est administré seulement dans le cadre d’un accès à titre compassionnel, c’est-à-dire financé par son fabricant le laboratoire Biogen.
Pour l’ARSLA, les critères d’évaluation des médicaments des autorités sanitaires françaises doivent évoluer, opinion partagée par l’Alliance Maladies Rares, un collectif de 240 associations de patients. Elle porte la voix de 3 millions de malades. Selon son président Jean-Philippe Plançon, « la plupart des quelque 6 000 maladies rares sont en fait ultra-rares : 95% d’entre elles n’ont pas de traitement curatif. La grande majorité sont des médicaments innovants. Il faut donc faciliter les procédures d’accès à ces traitements, les mettre à disposition des patients plus vite, tout en étant le plus sécurisé possible ». Dans le cas de la SLA, « les essais cliniques n’ont jamais été aussi nombreux que ces dernières années », indique le Dr Emilien Bernard, neurologue, coordinateur du centre SLA de Lyon. Mais cela reste « trop peu » pour l’ARSLA qui pointe également « une inégalité d’accès suivant les régions ». À date, un seul est en cours en France dans une quinzaine de centres SLA. Baptisé SEALS, il inclura à terme 80 patients. Démarré fin 2024, l’objectif est d’évaluer si une nouvelle molécule est utile pour freiner la maladie. Les résultats sont attendus au 2ème semestre 2026.
Une sous-partie de l’étude est effectuée sur des patients virtuels grâce à l’intelligence artificielle (IA). L’IA est d’ailleurs l’un des principaux enjeux d’innovation et de recherche pour l’ARSLA. « Elle va permettre de gagner énormément de temps. Faire se rencontrer les chercheurs et les ingénieurs qui travaillent sur cet outil est primordial », insiste Bettina Ramelet.
Pour un fonds d’Etat dédié
La directrice générale adjointe de l’association se veut optimiste concernant la recherche sur la SLA, s’appuyant notamment sur l’exemple du qalsody, « possible porte d’entrée à de nouveaux traitements », estime-t-elle. Le Dr Bernard mise aussi sur la découverte de plusieurs médicaments ciblés pour certaines catégories de patients plutôt que sur une molécule universelle, « la maladie étant beaucoup plus hétérogène qu’on ne le pense », précise-t-il. L’argent est le seul véritable obstacle à ces avancées. Les financements publics étant rares et très compétitifs. L’ARSLA rappelle au passage l’importance des dons. L’association milite aussi pour la création d’un fonds de l’Etat dédié à la SLA dans le plan d’investissement « France 2030 », ou sur le modèle de ce qui se fait dans la lutte contre le cancer. Cette problématique du financement de la recherche vaut pour l’ensemble des maladies rares. « Il faut effectivement plus d’argent vu les besoins, mais de l’argent utilisé à bon escient comme dans la recherche translationnelle, des essais cliniques plus adaptés ou dans la mise en place d’un écosystème favorable afin que les acteurs qui veulent s’investir dans l’innovation thérapeutique y trouvent leur compte ou au moins n’y perdent pas », résume Jean-Philippe Plançon de l’Alliance Maladies Rares. Cette dernière se dit satisfaite du Plan National Maladies Rares 4 présenté par le gouvernement en février dernier. Selon elle, il contient de nombreuses pistes intéressantes concernant ces enjeux d’accès aux traitements, d’innovation et de recherche. Mais elle reste vigilante quant à sa bonne mise en œuvre.
« Je n’ai plus rien à perdre, le but, aujourd’hui, est de servir une cause »
« Depuis le diagnostic, qui a été posé fin avril 2024, mon état de santé a déjà beaucoup évolué. Je ne marche quasiment plus. Je n’ai plus de force dans les bras, je suis de plus en plus dépendant de mon épouse pour tenir debout à la maison. À l’extérieur, je me déplace en fauteuil. Et mon élocution est plus lente qu’avant. Mais à part ça, ça va quand même… Comme traitement, je prends matin et soir un comprimé de riluzole, associé à de la vitamine E. Mais il n’a pas de grands effets sur moi. Par ailleurs, deux matins par semaine, je vais dans un centre de rééducation à l’hôpital de Villefranche-sur-Saône pour y suivre une séance de kinésithérapie centrée sur des étirements et un travail respiratoire qui me fait énormément de bien. Sur place, je peux aussi consulter un psychomotricien, un ergothérapeute, un orthophoniste, un psychologue ou encore bénéficier d’activités physiques adaptées. Tout étant centralisé, je me fatigue moins. J’ai de la chance. Avant d’intégrer ce protocole, j’ai essuyé de nombreux refus de spécialistes qui ont jugé ma prise en charge médicale trop lourde. Pour ce qui est de la maladie elle-même, je suis suivi au centre de référence de Lyon. J’ai notamment participé à un essai clinique en février dernier. Malgré une ponction lombaire, qui peut être un frein pour certaines personnes, nécessaire au début et à la fin de l’essai, je n’ai pas hésité à me porter volontaire. Trois fois par semaine pendant un mois, j’ai reçu une perfusion, fait des électrocardiogrammes, prises de sang, analyse d’urine… Je n’ai plus rien à perdre, le but, aujourd’hui, est de servir une cause. J’ai le secret espoir que cet essai ait un réel impact pour moi, comme celui de ralentir la progression de la maladie, mais l’objectif premier est de faire progresser la recherche.
Je ne suis pas vraiment les avancées en la matière, contrairement à mon épouse. Personnellement, je préfère me concentrer sur le moment présent. Ne pas nourrir de faux espoirs est un peu une façon de me protéger. Cela fait quand-même du bien de savoir que la recherche est active même si j’ai l’impression que cela ne va jamais assez vite. Pour moi, la SLA ne se résume pas qu’à une question de médicaments. L’une des difficultés est également l’accès aux aides, souvent dérisoires et longues à obtenir, voire inexistantes pour les aidants. Mais je ne me plains pas car je suis très bien entouré par ma famille et mes proches. Heureusement aussi qu’il y a des associations comme l’ARSLA, notamment pour du prêt de matériel adapté. Néanmoins, j’aimerais insister sur un point : la recherche ne peut exister sans des fonds et des dons. Il faut aider les chercheurs à avancer. En France, ce ne sont pas les connaissances scientifiques qui manquent, mais l’argent. »
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