Sexualité et endométriose : parlons-en !

« Sexualité, Couple & Endométriose » : tel est l’intitulé de l’étude publiée mi-avril par ENDOmind France. L’association, qui fait partie du réseau de France Assos Santé, a voulu lever le voile sur une réalité rarement abordée, qui révèle in fine de sérieuses, voire alarmantes zones d’ombre. Le point sur les principaux résultats de cette enquête à laquelle près de 1 200 personnes ont pris part, avec Priscilla Saracco, directrice générale d’ENDOmind France.

Si les dyspareunies, à savoir les douleurs pendant les rapports sexuels, figurent parmi les symptômes les plus fréquemment rapportés par les femmes touchées par l’endométriose, le sujet reste encore tabou. C’est ce constat, étayée en particulier par des récits de patientes, qui est à l’origine de l’enquête Sexualité, Couple & Endométriose, lancée à l’automne 2024 par l’association ENDOmind France, et soutenue par la Fondation des femmes. « Sur les réseaux sociaux, nous lisions des témoignages assez choquants de femmes qui cherchaient des conseils pour serrer les dents pendant les rapports, textuellement, ou pour faire en sorte que leur mari ne les quitte pas, etc. En outre, lors de travaux sur la santé sexuelle, menés avec la Ville de Paris et auxquels ENDOmind France a contribué, nous avons réalisé que la question des rapports sexuels douloureux n’avait sa place nulle part. Et en creusant, on a pris conscience que même les politiques de santé sexuelle font l’impasse sur ce sujet », explique Priscilla Saracco, directrice générale de l’association.

Et, d’ailleurs, dans la nouvelle version du carnet de santé, entrée en vigueur le 1er janvier dernier, si l’endométriose est bien abordée, ce n’est que sous l’angle des douleurs durant les règles. Or, reprend Priscilla Saracco, « les dyspareunies sont aussi une bonne façon sinon de diagnostiquer une endométriose du moins d’orienter vers cette maladie ». En France, entre 2 et 4 millions de femmes sont ou seraient atteintes d’une endométriose.

Des violences conjugales dans 45 % des cas

Du constat à une communication, voire un plaidoyer, fallait-il encore pouvoir mettre en avant des chiffres. Les résultats de l’enquête, de ce point de vue, sont à la fois convaincants et parfois même glaçants. Pas de doute, il y a bien un sujet, si on en juge par les réponses des quelque 1 200 personnes qui ont participé au questionnaire envoyé au réseau de l’association et par le contenu des 14 entretiens, plus qualitatifs, menées en tête à tête, sur la base du volontariat. Près de 98 % des répondantes déclarent avoir déjà ressenti des douleurs lors d’un rapport sexuel, dont 41,3 % à chaque rapport. Et elles sont 20,7 % à indiquer toujours éprouver des douleurs après un rapport et 42,5 % souvent – lesquelles douleurs peuvent durer jusqu’à plusieurs jours. « Ces deux derniers chiffres sont intéressants, dans le sens où ces douleurs peuvent avoir une incidence au quotidien », juge la directrice générale de ENDOmind France. En matière d’impact sur la qualité de vie des patientes, les dyspareunies peuvent entraîner un blocage vis-à-vis de l’intimité, un sentiment de culpabilité à l’égard du partenaire et, pour 56 % des répondantes, affecter négativement leur image.

Mais s’il est un chiffre qui retient l’attention, c’est celui qui a trait aux répercussions sur le couple avec des situations de violences conjugales, plutôt d’ordre psychologique, rapportées par près de 45 % des répondantes. Et parmi celles-ci, 17 % affirment avoir déjà été victimes d’un viol conjugal. « Ce type de violence est souvent sous-évalué par les victimes qui n’ont pas conscience qu’elles ont vécu des rapports forcés, souligne Priscilla Saracco. Quand on voit que plus de la moitié des femmes (52,3 %) déclarent s’être déjà forcées à avoir un rapport afin de satisfaire leur partenaire, la contrainte de toute façon est bel et bien là. D’ailleurs, même si 70 % des répondantes se sentent soutenues par leur partenaire, nombre d’entre elles culpabilisent de ne pas pouvoir offrir une vie sexuelle perçue comme normale, c’est-à-dire centrée sur le plaisir masculin. »

Le diagnostic, un point de bascule    

Etonnamment – d’autant qu’initialement, la question n’était pas prévue, car ce n’était pas l’objectif de cette étude –, l’importance du diagnostic demeure. « Pour certaines des répondantes, le diagnostic a été un point de bascule. C’est le moment qu’elles ont choisi pour quitter leur partenaire ou arrêter d’accepter l’inacceptable, dans le sens où elles ont réalisé qu’elles n’étaient pas folles. Ce qui est triste, c’est qu’on ait encore besoin d’un diagnostic pour légitimer la douleur ressentie », observe Priscilla Saracco. La partie consacrée à la prise en charge des douleurs sexuelles par les professionnels de santé ne devaient pas non plus être aussi étendue qu’elle l’est au final. Mais devant l’abondance des témoignages en lien avec la manière dont de nombreuses patientes ont été traitées, et en l’occurrence plutôt maltraitées, dans le cadre des soins, en particulier de la certains gynécologues, ENDOmind France a finalement tenu à s’en faire l’écho de façon poussée dans cette étude.

« Par-delà la douleur éprouvée au quotidien, il y a la souffrance d’être méprisée ou de devoir entendre des discours rétrogrades alors qu’on va chercher un conseil, de l’aide à un professionnel de santé, dont c’est le métier de soulager, sans même parler de l’absence de consentement ou de l’ignorance des douleurs lors d’examens gynécologiques », résume la directrice générale de l’association. Résultat, seulement 17 % des femmes ayant cherché des solutions auprès des professionnels de santé déclarent avoir bénéficié d’une prise en charge qui les a aidées. Et, sans surprise, les gynécologues ne s’imposent pas, dans les réponses obtenues, comme les interlocuteurs à privilégier en matière de prise en charge des douleurs sexuelles et de leurs conséquences – dont un trouble de la pénétration appelé vulvodynie.

Objectif, une campagne nationale de sensibilisation en 2026   

Sur la base des résultats de l’enquête, ENDOmind France a échafaudé un plan d’actions. L’association a interpellé la Haute Autorité de santé (HAS) pour faire reconnaître la dyspareunie comme un risque de violence conjugale et sexuelle, comme c’est le cas pour la grossesse, ainsi que divers ministères (Santé, Education) pour que ce sujet puisse être intégré aux politiques de santé sexuelle – pour que les plus jeunes soient informés, dont les garçons. L’association souhaiterait également qu’une grande campagne nationale de communication sur ce sujet soit organisée en 2026. « En 2016, nous avions mené une campagne de sensibilisation à l’endométriose (« Les règles, c’est naturel, pas la douleur ») qui avait eu un fort impact. Aujourd’hui, il nous paraîtrait normal de rappeler que la sexualité n’est pas censée faire mal », développe sa directrice générale.

Dans l’immédiat, ENDOmind France s’est fixée pour but de diffuser l’étude le plus largement possible, en particulier auprès des professionnels de santé pour qu’ils soient informés et sensibilisées aux dyspareunies, et améliorer ainsi la prise en charge des patientes concernées par l’endométriose. « Nous envisageons également de travailler avec plusieurs associations pour créer un écosystème qui permettra d’orienter vers des collectifs plus à même d’accompagner les femmes qui nous solliciterons pour des faits, par exemple, de harcèlement sexuel ou de violences gynécologiques », ajoute Priscilla Saracco. Enfin, des ressources ont été mises à la disposition du public, via les réseaux sociaux, notamment : une vidéo et un podcast, conçus avec une gynécologue pour détailler les solutions, en cas de dyspareunie.

Laisser un commentaire public

Votre commentaire sera visible par tous. Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Logo Santé Info Droits

Partager sur

Copier le lien

Copier