Les établissements de santé sont de gros producteurs de déchets (matériel jetable, médicaments, aliments, etc…). Et leur consommation énergétique représente 11 % de l’ensemble du secteur tertiaire en France ! D’où la mobilisation d’acteurs de plus en plus nombreux pour réduire la facture écologique des activités hospitalières.
« Le développement durable est en plein essor à l’hôpital. Les nouveaux outils et nouvelles initiatives y sont de plus en plus nombreux », se réjouit Véronique Molières, directrice du Comité pour le développement durable en santé (C2DS) et membre du conseil d’administration de Réseau Santé Environnement. En effet, les professionnels de santé et les personnels hospitaliers sont de plus en nombreux à prendre conscience de l’impact des activités de soins sur l’environnement et la santé humaine. Ils se mobilisent pour limiter l’impact de leurs pratiques, notamment leur empreinte carbone et leurs déchets.
De leur côté, les patients sont, eux aussi, à la recherche de davantage d’information sur le sujet. « Aujourd’hui, la personne hospitalisée ne sait pas si son plateau-repas provient d’un producteur local ou industriel, si le sol de sa chambre est nettoyé avec des produits désinfectants potentiellement toxiques ou à la vapeur, prend pour exemple Véronique Molières. L’un de nos objectifs est que le patient devienne traceur sur le développement durable des établissements ». Zoom sur les principales pollutions hospitalières et les initiatives en cours pour les réduire.
1- Stop aux médicaments jetés
Le problème : les pharmaciens hospitaliers alertent depuis des années sur le gaspillage de médicaments (ou « DIMED » pour déchets issus des médicaments). Périmés, incomplets, etc., un certain nombre atterrissent dans les poubelles des hôpitaux, sans que le volume total de ces déchets ne soit connu à ce jour. De rares hôpitaux ont déjà fait une estimation, comme, par exemple le Centre hospitalier de Cannes, qui évalue à 500 kg/an le poids de ses déchets médicamenteux. En extrapolant, cela ferait 1 500 tonnes pour les 3 000 établissements français, estime le C2DS. Certes, ces médicaments seront ensuite incinérés, à l’instar de ceux, périmés, rapportés par les Français en pharmacie, recyclés ensuite par Cyclamed. Mais le plus efficace ne serait-il pas de diminuer ces déchets à la source, en modifiant les procédures de gestion des stocks de médicaments ?
L’initiative : le C2DS a lancé en novembre 2024 l’enquête Médicaments à l’hôpital : pourquoi et combien on jette ?, conçue en rassemblant un groupe de douze pharmaciens hospitaliers et quatorze Observatoires du médicament sur le territoire (OMéDITs). Plus de 400 établissements hospitaliers ont téléchargé le kit de participation et 120 d’entre eux ont répondu au questionnaire. Les réponses sont en cours d’analyse. Prochaine étape : identifier les causes et réduire le volume jeté, notamment grâce à un nouvel indicateur spécifique au gaspillage médicamenteux. A la clé, plusieurs bénéfices sont attendus : réduire les émissions de gaz à effet de serre causées par l’incinération des médicaments, mais aussi le transport de ces déchets (et donc le bilan carbone des hôpitaux), et enfin le budget médicaments des hôpitaux. A suivre !
2- Vers une baisse des déchets à risque infectieux
Le problème : tubes de prélèvement sanguin, seringues usagées, compresses souillées, etc., les déchets d’action de soins à risque infectieux (DASRI) représentent un gros volume de déchets à l’hôpital. L’Agence de la transition écologique (ADEME) l’estime entre 9 et 13 000 t par an. Leur incinération est très polluante : l’incinération d’une tonne de DASRI émet en moyenne 934 kg d’équivalent CO2, soit trois fois plus que l’impact d’une tonne de déchets ménagers (DAOM) ! De plus, ces déchets pas comme les autres représentent un risque pour les personnes qui les manipulent, d’où les précautions réglementaires qui les entourent.
L’initiative : le CHU de Clermont-Ferrand a réussi à diviser par plus de deux son volume de DASRI entre 2020 et 2024, passant de 779 à 306 tonnes. « Nous avons constaté que de nombreux déchets de type emballages étaient jetés dans les DASRI au lieu de rejoindre les DAOM (déchets assimilables aux ordures ménagères), où doivent être jetés les emballages, couches et alèses à usage unique, compresses, masques, sur-chaussures, etc. Nous avons donc nommé des ambassadeurs pour faire passer le message auprès des équipes soignantes, qui ont revu leurs habitudes », explique Frédéric Philippe, ingénieur en charge du pôle logistique intégré au CHU, et dont l’une des missions est de gérer les déchets. Ce mouvement de réduction des DASRI est engagé dans un nombre grandissant d’hôpitaux, comme à Amiens, Dijon ou encore Toulon.
3- La lutte contre le gaspillage alimentaire
Le problème : anticiper le nombre de plateaux-repas est un casse-tête pour les hôpitaux. Les prévisions sont calquées sur le nombre de patients hospitalisés les mois précédents, mais sans certitude d’être identiques. Et le fait de prévoir des menus adaptés à telle ou telle pathologie (sans sel, sans gluten…) ajoute encore de la complexité à la gestion des commandes. Résultat, les commandes passées plusieurs semaines à l’avance sont souvent supérieures aux besoins et trop de repas finissent à la poubelle… Plus de 300 000 euros : c’est le coût estimé des repas jetés sur une année dans un hôpital de moins de 800 lits, selon une étude de l’ARS Normandie.
L’initiative : le Centre hospitalier de Chambéry a réussi à réduire considérablement ses déchets alimentaires, en deux étapes. « Depuis 2023, nous avons optimisé les prévisionnels et la production des repas. Notre objectif était de ne plus avoir que 5 % de denrées alimentaires restantes après avoir servi tous les plateaux-repas et, aujourd’hui, nous sommes même en dessous, explique Léa Vanwormhoudt, responsable qualité-service restauration de l’hôpital. Et depuis un an, nous utilisons l’application « Too Good to go » au self pour que des personnes travaillant à l’hôpital ou à l’extérieur puissent récupérer les plateaux invendus au self. Une dizaine de plateaux trouvent ainsi preneur chaque jour grâce l’appli, au lieu d’être jetés, et on va augmenter la cadence cette année ». Un système D gagnant-gagnant qui devrait faire des émules dans d’autres hôpitaux !
4- Moins de gaz polluants en anesthésie
Le problème : l’empreinte carbone des établissements de santé est estimée à environ 8 % du total des émissions de gaz à effet de serre en France, selon le think tank The shift project. Les gaz anesthésiques utilisés au bloc opératoire représentent à eux seuls un tiers de ces émissions ! Une étude parue dans The Lancet en 2017 comparait ainsi une heure d’anesthésie à 600 km parcourus en voiture, en équivalence d’émissions de gaz à effet de serre. Au bloc opératoire, différents types de gaz sont utilisés pour endormir les patients. L’un des plus anciens, le protoxyde d’azote, est aussi l’un des plus polluants. La Société française d’anesthésie-réanimation (SFAR) a appelé en juillet 2024 à un arrêt total de son utilisation à l’hôpital. Motif invoqué : « Le N2O est un puissant gaz à effet de serre, 265 fois plus puissant que le CO2, ayant une longue demi-vie de 120 ans. Il est actuellement un agent principal de la destruction de la couche d’ozone ». D’autant que des alternatives existent, moins polluantes, parmi les derniers gaz anesthésiques arrivés sur le marché.
L’initiative : l’hôpital privé Drôme-Ardèche a cessé d’utiliser le Desflurane et le protoxyde d’azote, en les remplaçant par le Sévoflurane, beaucoup moins polluant. « Le pouvoir de réchauffement global du Desflurane est de 1 540 fois celui du CO2 alors que celui du Sévoflurane n’est que de 130 fois », explique le C2DS, alors qu’ils sont équivalents dans leurs usages médicaux. Cet hôpital est loin d’être isolé dans cette démarche. « Ce sujet est sur la table depuis une dizaine d’année et une cinquantaine d’hôpitaux sont engagés sur cette bonne voie », souligne Véronique Molières, directrice du C2DS.
5-Des panneaux photovoltaïques sur les toits des hôpitaux
Le problème : chauffage, climatisation, appareils médicaux (radiologie, etc.), blanchisserie…les équipements énergivores sont nombreux dans les hôpitaux. Le secteur hospitalier consomme environ 22 térawatts-heure (TWh) d’électricité par an, avec une moyenne de 320 kWh/m2 par établissement par an. Réduire ces consommations et/ou les auto-financer est une piste très utile sur le plan environnemental et budgétaire, a fortiori dans un contexte de hausse des prix de l’énergie. Actuellement, les hôpitaux dépensent en effet 5 à 10 % de leur budget en achat d’énergie.
L’initiative : le centre hospitalier de Carcassonne a installé des ombrières équipées de panneaux photovoltaïque sur son parking afin de générer de l’électricité. Ces carports solaires recouvrent 1 500 places de stationnement, soit 24 000m2, et peuvent produire jusqu’à 5 000 MWh d’électricité par an. Cela permet à l’hôpital de couvrir une partie de ses besoins, d’économiser 60 000€ par an sur sa facture et même de revendre une partie de l’électricité produite ! Construit en 2014 suivant les normes HQE (Haute qualité environnementale), le CH de Carcassonne avait d’emblée installé une chaudière bois, couvrant 80 % de ses besoins en chaleur.
c’est la réduction attendue pour tous les espaces tertiaires de plus de 1 000 m2, dont les établissements de santé. (décret Tertiaire de juillet 2019)
Le virage vert à France Assos Santé aussi
Depuis un peu plus d’un an, France Assos Santé Ile de France a entamé un travail autour de la transition écologique du système de santé. Forte des résultats de l’enquête Toluna/Harris Interactive pour France Assos Santé, Les Français et les enjeux de santé liés à leur environnement de vie, la délégation francilienne a inscrit la thématique santé/environnement dans son plan d’action 2024. Après une année de sensibilisation/information du réseau sur ce thème (lettre d’information, dossier documentaire, animation d’ateliers Plan Health Faire®), les différents acteurs se retrouvent pour réfléchir à la seconde étape – module de formation, Kit pour les représentants des usagers… – lors de la Journée régionale 2025 le 17 juin.
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