Alors que les urgences hospitalières sont en permanence saturées – a fortiori l’hiver –, comment s’orienter en cas de besoin médical urgent ? Comment fonctionne le nouveau service d’accès aux soins (SAS) ? Et quelles sont les alternatives aux urgences de l’hôpital ?
Renoncer à des soins urgents, faute de solution. C’est ce qui arrive à un Francilien sur deux confronté à un problème médical urgent, selon une enquête menée par France Asso santé en mars 2023, et qui pourrait malheureusement être extrapolée à la majorité des régions françaises… Entre les injonctions de type « n’allez pas aux urgences ! », les médecins traitants souvent indisponibles (ou pas de médecin du tout), les nouvelles structures de soins non programmés aux noms barbares (CNSP, CMSI, etc…), il est devenu de plus en plus complexe de s’orienter dans le système de santé en cas d’urgence. En milieu rural, la situation est encore plus complexe. « Les familles sont obligées d’élargir leur champ de recherche car beaucoup d’entre elles n’ont plus de médecin traitant, notamment celles qui sont mobiles professionnellement, témoigne Marie-Pierre Gariel, administratrice du département Protection sociale-santé-autonomie de l’Union nationale des associations familiales (UNAF). On commence par faire le 15. Si on n’a pas trouvé de réponse, on passe par Doctolib pour essayer de décrocher un rendez-vous. On se prépare alors à faire beaucoup de kilomètres pour voir un dentiste ou un médecin spécialiste en urgence. Parfois, on apprend par bouche-à-oreille qu’il y a un nouveau centre médical qui propose des rendez-vous dans la journée, coup de chance ! » Décryptage des différentes solutions.
Commencer par téléphoner à son médecin traitant ou au 15
Si vous pensez que votre problème peut attendre 48 heures ou plus, contactez d’abord votre médecin traitant. En revanche, si vous pensez qu’il s’agit d’une urgence vitale ou que vous avez un doute, ou que vous n’avez pas de médecin traitant, appelez le 15. Que se passe-t-il désormais à l’autre bout du fil ? Depuis la mise en place en 2022 du nouveau centre d’accueil téléphonique appelé SAS, ou service d’accès aux soins, toutes les demandes de soins urgents ou non programmés (problème médical nécessitant une consultation sous 48 heures, sans caractère d’urgence vitale) sont traitées par les mêmes assistants de régulation médicale et médecins régulateurs. Pour orienter chaque patient, ils ont plusieurs cordes à leur arc : conseil médical simple, télé-prescription, consultation médicale avec un généraliste, déplacement au centre d’urgence le plus proche, gestion de l’appel par le SAMU. Et un objectif commun : « Aider la personne à aller consulter au meilleur endroit pour elle, pas forcément là où elle pensait aller spontanément », souligne le Dr Marc Noizet, président de SAMU-Urgences de France. A ce jour, 95 % des départements sont engagés dans la mise en place du SAS, celui-ci étant vraiment opérationnel dans 65 à 70 % des départements. Les premiers retours sont satisfaisants. « Le SAS fait une guidance très utile, qui évite des déplacements inadaptés aux urgences. Les remontées des usagers sont globalement positives, même si elles varient selon l’opérateur et les conseils donnés », indique Marie-Pierre Gariel.
Néanmoins, ce nouveau système de régulation est critiqué par certains urgentistes, comme le Dr Mathias Wargon, médecin urgentiste en Seine-Saint-Denis, qui pointait du doigt, dans une tribune parue dans Le Monde en janvier dernier « un système d’urgences-boîte de nuit où ne rentreraient que des patients VIP, filtrés en amont par une organisation complexe d’assistants de régulation et de médecins urgentistes et généralistes ». L’urgentiste fait référence au filtrage mis en place à l’entrée d’environ 25 % des services d’urgences, à certaines périodes et horaires, voire de façon pérenne. Ce filtrage est-il préjudiciable aux patients ? « Attention, il ne faut pas confondre SAS et filtrage à l’entrée des urgences. Quand les portes des urgences sont fermées, on diminue la pression de 15 à 20 % et on évite un engorgement des services. Mais on ne ferme pas la porte sans réorienter les patients qui se présentent. Et il faut absolument garder une porte entrouverte pour les patients précaires et démunis, pour qui la seule solution est d’aller aux urgences », estime le Dr Noizet.
Les urgences privées
Saviez-vous que certaines grandes cliniques disposent d’un service d’urgences ? Cette alternative à l’hôpital est peu connue, alors que près de 130 établissements privés disposent aujourd’hui d’un accueil pour les urgences. Quelles différences entre public et privé ? « Les cliniques reçoivent en général plus de patients en ambulatoire tandis que l’hôpital reçoit plus de patients ayant des pathologies lourdes ou des polypathologies nécessitant une hospitalisation. L’avantage est que les délais d’attente sont souvent plus courts dans le privé. Mais il y a des exceptions, avec quelques gros services d’urgences privés, qui reçoivent une centaine de patients par jour, fonctionnent comme à l’hôpital et ont parfois des délais d’attente plus long… », décrypte le président de SAMU-Urgences de France.
La moitié des Français pense qu’être soigné aux urgences privées coûte plus cher qu’aux urgences publiques, selon une enquête de la Fédération hospitalière de France de 2019. En réalité, les médecins sont obligés d’y respecter les tarifs conventionnés pour les actes cotés lors du passage aux urgences. Néanmoins, les patients qui nécessitent des soins complémentaires ou une intervention chirurgicale après leur passage peuvent subir des dépassements d’honoraire. Pour y accéder, on appelle d’abord le SAS pour savoir si c’est la bonne option.
Les centres de soins non programmés (CNSP)
A mi-chemin entre la médecine générale et l’hôpital, 65 CNSP se sont déployés sur le territoire ces dernières années. « On peut y venir pour une chute, une coupure, des douleurs abdominales etc… Nous proposons des consultations à haute valeur ajoutée avec, si besoin, un acte de radiologie, de biologie ou un geste technique en complément. En revanche, nous ne sommes pas là pour le suivi des pathologies chroniques, ni pour faire de la médecine générale low cost », explique le Dr Xavier Poble, trésorier de la Fédération des CNSP. Tous ces centres sont conventionnés secteur 1, sans dépassement. Problème : si cette fédération prévoit un cahier des charges, il n’y a aucun cadre réglementaire national pour ces centres, pour le moment.
Résultat, une quarantaine d’autres centres, dits « de soins immédiats », ont ouvert dans la foulée, semant la confusion. Ils proposent en général des consultations de médecine générale sans rendez-vous. « Après notre bonne idée de départ, ça a dérapé. Des groupes privés, constatant la forte demande, se sont mis sur ce créneau. Notre concept initial a été dévoyé vers des cabinets de médecine générale à horaires élargis, avec des consultations à la chaîne, déplore le Dr Poble. Vous prenez un ticket en arrivant car il n’y a pas de secrétariat. Vous voyez un médecin généraliste qui enchaîne les consultations, si possible sur des horaires décalés (soir et week-end) pour faire des cotations d’urgence. » Il est urgent de légiférer pour clarifier cette offre ! Un article du PLFSS 2025 devait poser un cadre réglementaire clair, mais il n’a finalement pas été adopté fin 2024. « Certains de ces centres ne font que de la traumatologie, d’autres que de la médecine. Certains pratiquent des dépassements, d’autres pas. Il est très compliqué de s’y retrouver. Il faut un encadrement national très rapidement », reconnaît le président de SAMU-Urgences de France, le Dr Marc Noizet.
Les maisons médicales de garde (MMG)
Il en existe plus de 300 sur le territoire, selon la Direction générale de l’offre de soins. Ouvertes de 20h à 8h, les week-ends et jours fériés, elles prennent le relai lorsque les cabinets médicaux sont fermés. Fièvre, toux, entorse… Les médecins de garde y prennent en charge les problèmes urgents mais non vitaux, aux tarifs conventionnés. A ne pas confondre avec les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), qui sont ouvertes aux mêmes horaires que les cabinets médicaux. Comme les maisons médicales de garde assurent la permanence des soins, elles ne sont pas joignables directement : il faut appeler le 15 avant pour savoir si c’est la bonne réponse médicale à l’instant T.
SOS Médecins
Un appel à SOS-Médecins est une autre alternative, si vous avez besoin d’une visite à domicile et que vous résidez dans l’une des 63 villes de France où l’association est présente. Une visite à domicile en journée vous coûtera 36,50€ et, de nuit, entre 72€ et 86€. Les dimanches et jours fériés, le tarif est de 56,50€. Vous pouvez aussi vous déplacer dans l’un des centres de consultation SOS-Médecins entre 8h et 20h. Le tarif appliqué est de 30€ (comme chez votre médecin généraliste), 53€ le dimanche et entre 69 et 78€ la nuit. La part remboursée par la Sécurité sociale est de 70 %, sur la base de 30€. La différence reste à votre charge ou celle de votre mutuelle, sauf dans certains cas particuliers (femmes enceintes de plus de 6 mois, patients en HAD, patients dans l’impossibilité totale de se déplacer, etc…)
Pour en savoir plus : la carte du ministère de la Santé, recensant tous les lieux de soins autour de chez vous
Les signes d’urgence vitale qui relèvent d’un appel au 15
Parmi les signes qui doivent vous alerter et conduire à composer le 15, il y a :
- Des difficultés pour respirer
- Des douleurs thoraciques ou une sensation d’oppression
- Un évanouissement, un malaise
- Des vertiges soudains, faiblesse ou troubles visuels
- De la confusion ou une modification du comportement
- Des douleurs sévères et brutales dans n’importe quelle partie du corps
- Un saignement qui ne s’arrête pas après 10 minutes de compression
- Des vomissements sévères ou persistants
- Des toux ou vomissements de sang
- Des idées suicidaires
(Source : Société française de médecine d’urgence)
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