Alors que les Français sont nombreux à souffrir de troubles anxio-dépressifs, où trouver de l’écoute et de l’aide ? Les psychiatres et psychologues sont débordés, mais des associations se démènent pour apporter soutien et solutions. Zoom sur ces initiatives de terrain à destination des jeunes et moins jeunes.
Les Clubhouse, des collectifs pour se réinsérer
Prendre le relai après le suivi psychiatrique et accompagner vers le retour à une vie sociale et professionnelle active, c’est la raison d’être des Clubhouse. Onze villes françaises en abritent un, depuis l’ouverture du premier, à Paris, en 2011.[1] Et en 2025, un second Club house doit ouvrir dans l’Ouest parisien. « Nous accompagnons des personnes souffrant de troubles sévères (dépression, troubles bipolaires, schizophrénie) qui se sont retrouvées abimées par leur passage à l’hôpital. Nos trois grandes missions consistent à les aider à retrouver le goût des relations sociales, à les accompagner vers l’emploi, ou le bénévolat, et à lutter contre la stigmatisation », explique Pablo Destrée, psychologue et fondateur du Clubhouse de Nantes. Au cœur du projet de rétablissement, la pair-aidance et un programme personnalisé pour chacun. Et ça marche ! En 2023, près de 1 500 personnes ont fréquenté un Clubhouse et ce soutien a été décisif dans leur parcours de vie : le taux de réinsertion professionnelle est de 42 %. Les retours des personnes qui les fréquentent sont très positifs : les rechutes et ré-hospitalisations diminuent et les personnes déclarent majoritairement avoir retrouvé leur place dans la société et un projet professionnel. Basés sur l’entraide, ces lieux de vie sont cogérés par un petit nombre de salariés et les personnes qui les fréquentent. Chacun s’engage à y effectuer un certain nombre de tâches quotidiennes, comme dans une petite entreprise (comptabilité, levée de fonds, préparation des repas…). L’accès est gratuit.
Bouger pour améliorer son moral
Bénéficier de séances de sport gratuites pour sortir de la dépression : c’est le pari de l’association « Je bouge pour mon moral », fondée en 2022, avec le soutien de l’Agence régionale de santé (ARS) Grand Est et de l’Assurance maladie. L’association propose un programme sur deux mois (puis une poursuite en autonomie) pour se (re)mettre à l‘activité physique et aider les personnes inscrites à se sentir mieux. Les habitants de 7 villes du grand Est (Metz, Thionville, Colmar, Mulhouse, Châlons-en-Champagne, Charleville-Mézières et Reims) peuvent ainsi participer à 2 séances hebdomadaires (marche nordique ou cross-training) pendant sept semaines. A l’issue de ce programme, un point avec un enseignant en activité physique adaptée (APA) permet aux bénéficiaires de s’orienter vers un club sportif et de continuer à pratiquer de façon autonome. « La création de lien social et la pratique sportive dans la nature sont deux dimensions fondamentales de notre programme », indique Frédéric Leroy, son fondateur. Depuis sa création, plus de 1 600 personnes en ont bénéficié, en majorité des femmes de 50 ans et plus souffrant de dépression modérée à sévère, suivies par un médecin ou un psychothérapeute. Avec quel impact ? « Nos évaluations montrent qu’au bout de dix semaines, les personnes en dépression sévère passent à un stade léger et celles en dépression modérée sortent de la maladie ! », se félicite Frédéric Leroy. L’association espère un déploiement dans plusieurs grandes villes, en dehors de la région Grand Est, à partir de fin 2025.
Sur le même sujet, lire aussi notre article (Oct. 2024) consacré aux marches thérapeutiques de France Dépression et les initiatives de l’Unafam, via Psycyclette.
En voiture Psymone
Aller vers le grand public pour en finir avec la stigmatisation des troubles psychiques et apporter de l’information : tel est l’objectif de la camionnette baptisée « Psymone », à l’initiative de l’Unafam. En 2022, elle a commencé à sillonner les routes des Deux-Sèvres lors de la semaine de sensibilisation à la santé mentale. Mission réussie et renouvelée en 2023. En mai 2024, la camionnette est partie sur les routes de la Vienne. En trois ans, près de 1 000 personnes sont montées à bord pour s’informer, échanger avec des psychologues et souffler un peu. Le véhicule abrite en effet un coin bien-être propice à la relaxation et un espace de confidentialité pour les échanges privés. A son bord se relaient une dizaine de professionnels de la santé mentale (psychologues, éducateurs spécialisés) et de bénévoles. « On s’arrête sur les marchés, dans les rues passantes, près des lycées, etc. Beaucoup de personnes curieuses s’approchent et viennent nous parler mais il y a aussi des gens qui fuient à notre arrivée. Ces sujets restent tabous ! », témoigne Nadine Béal, déléguée départementale Unafam 79. Derrière cette initiative, de nombreuses bonnes volontés : l’ARS, la CPAM et la Macif (soutiens financiers), des agglomérations, des centres hospitaliers, le réseau Réhab – pour réseau de réhabilitation psychosociale et de remédiation cognitive –, Unis-Cité, etc… « C’est le fruit d’un large travail de coopération, complète Nadine Bréal. Nous avons conçu une charte qui pourra être adoptée et signée par d’autres équipes qui voudraient s’embarquer dans l’aventure. » Bientôt des petits ?
Devenez ambassadeurs auprès des jeunes
Depuis 2019, à Lyon, des volontaires de 16 à 25 ans engagés en service civique interviennent auprès de jeunes en difficulté dans des établissements scolaires ou des foyers de jeunes travailleurs pour ouvrir un espace de parole sur les troubles psychiques. « Certains de ces volontaires sont directement concernés par des problèmes de santé mentale, mais pas tous. Surtout, on sait que les messages de prévention passent mieux entre jeunes, met en avant Hélène Salsi, coordinatrice du dispositif. Les évaluations montrent que ces interventions permettent une prise de conscience de son propre état de santé mentale, une identification de ses ressources internes et des personnes à qui l’on peut demander de l’aide. « Cela permet de démédicaliser la santé mentale », constate la coordinatrice. A ce jour,190 ambassadeurs sont présents dans 19 départements et l’implantation devrait s’élargir en 2025, dans les départements de l’Oise et du Pas-de-Calais.2 Ces bénévoles interviennent en général à mi-temps et sont indemnisés (500 à 600€/mois). Pour devenir ambassadeur, aucun diplôme ni expérience préalable ne sont requis, seule la motivation compte, évaluée lors d’un entretien individuel. Avant d’intervenir sur le terrain, les ambassadeurs sont formés par des professionnels de santé et des pairs-aidants professionnels.
Aidez les jeunes en participant à MENTALO !
Pilotée par l’Inserm, l’étude Mentalo cherche aussi des ambassadeurs. C’est la première grande étude nationale sur le bien-être mental des 11-24 ans. Lancée en mai 2024, elle vise à mieux connaître les évolutions de la santé mentale des jeunes, afin de comprendre et prévenir la dégradation pointée par plusieurs études depuis l’épidémie de Covid-19 et les confinements successifs. Pour y arriver, les chercheurs ont besoin de vous ! Trois cents jeunes ont déjà construit l’étude avec les chercheurs de l’Inserm, dans une approche participative de la recherche. Deuxième étape : les questionnaires à remplir qui sont à retrouver ici. Le recueil des questionnaires aura lieu jusqu’en 2026 et l’Inserm vise l’objectif de 50 000 participants. Participer, c’est soutenir un grand projet de santé publique et aider les jeunes à aller mieux. Enfin, tout le monde peut devenir ambassadeur MENTALO pour faire connaître l’étude et faire avancer la prévention. Que vous soyez jeune, parent, professionnel de santé, enseignant, directeur d’établissement ou engagé dans une association, nous sommes tous concernés par le bien-être mental des jeunes. Pour partager l’information autour de soi, des outils de promotion (affiches, flyers, mail type, bannières web, vidéos, etc.) sont disponibles en ligne.
D’autres ressources
Les pairs-aidants en psychiatrie sont une autre façon de bénéficier d’un soutien psychosocial et d’un accompagnement vers le rétablissement. Entretiens individuels, coanimation de groupes, recherche, etc… les pairs-aidants ont de nombreuses missions, détaillées dans l’un de nos précédent article. Par ailleurs, il existe un brevet pour devenir secouriste en santé mentale. Cette formation proposée par l’association PSSM France depuis 2019 permet d’apprendre à réagir face à un proche qui fait une crise d’angoisse, par exemple. Et il existe encore de nombreuses autres structures d’accompagnement des personnes en souffrance psychique, comme la Maison perchée ou encore les Maisons des adolescents.
Où en est le dispositif « MonSoutienPsy » ?
Enfin, des améliorations ! Après le renforcement du dispositif en juin 2024 qui permet un accès direct aux psychologues, sans devoir passer par le médecin traitant, et une extension de 8 à 12 séances remboursées par an, le nombre de psychologues inscrits dans le dispositif décolle. L’augmentation du tarif de la séance, passé de 30€ à 50€, y a certainement beaucoup contribué. Les associations de psychologues dénonçaient en effet un tarif trop bas depuis le lancement du dispositif en 2022… Depuis juin 2024, le nombre de candidatures de psychologues est passé de 70 à 500 par mois en moyenne, nous indique la Direction de la Sécurité sociale. A la mi-décembre 2024, 4 082 psychologues étaient inscrits dans le dispositif (conventionnés par l’Assurance maladie). Un net progrès puisqu’ils n’étaient que 2 500 il y a encore quelques mois. Les personnes intéressées vont donc pouvoir accéder plus facilement à un psychologue près de chez eux. Depuis le lancement de MonSoutienPsy, près de 447 000 patients de plus de 3 ans (enfants, adultes, adolescents) en souffrance psychique d’intensité légère à modérée ont bénéficié de séances de psychologues remboursées.
Pour trouver un professionnel, consulter l’annuaire.
1 Paris, Marseille, Dijon, Rouen, Rennes, Nantes, Bordeaux, Lyon, Grenoble, Bastia et Lille :
2 Auvergne Rhône Alpes (Rhône, Isère, Savoie, Puy de Dôme, Drôme, Cantal, Haute Loire, Loire), Occitanie (Hérault), Grand Est (Marne, Meurthe et Moselle), Bretagne (Morbihan, Ile et Vilaine), Pays de la Loire (Loire Atlantique, Hauts de France (Somme), Ile-de-France (Paris, Seine Saint Denis, Val de Marne, Yvelines)
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