Une caravane à la rencontre des aidants

Ce 13 juin, la caravane « Tous aidants » a repris la route pour aller à la rencontre des aidants. Initiée par La Compagnie des aidants, cette caravane apporte soutien et conseil à celles et ceux, souvent démunis, qui s’occupent au quotidien d’un proche en perte d’autonomie ou d’une personne en situation de handicap.

Depuis 2018, la Compagnie des aidants organise un modeste tour de France, dont l’objectif est d’aller au-devant des aidants. Une poignée de bénévoles, une caravane modèle rétro en aluminium peinturluré, et contact ! Pour sa 7e édition, la caravane « Tous aidants » a pris la route ce 13 juin. Première étape, Saint Chéron, dans l’Essonne, au pied de l’hôtel de ville. Comme son nom l’indique, cette caravane vise autant à sensibiliser le grand public qu’à informer les personnes qui, chaque jour, s’occupent d’un proche en perte d’autonomie ou d’une personne en situation de handicap. On estime que ce quotidien concerne quelque 9,3 millions de Français : parents, conjoint, frère, sœur, enfant, etc., soit à chaque fois des problématiques différentes.

Place de la mairie, hôpital ou université, où que la caravane s’installe, son équipe, composée d’assistantes sociales et de membres de structures locales, propose des rendez-vous personnalisés. Des entretiens individuels peuvent aussi être réalisés, pour informer sur les aides à la disposition des aidants, sur leurs droits ou encore sur les solutions de répit à mettre éventuellement en place, etc. Selon les villes-étapes, des rencontres avec les acteurs locaux du soutien à l’autonomie, nombreux, mais toujours bien identifiés, peuvent être présents, ce qui permet d’établir un premier contact ou de débloquer une situation, par exemple.

« Il y a huit ans, quand nous avons imaginé la tournée, nous faisions le constat que nos concitoyens ne se reconnaissaient mas comme aidant. On s’est donc dit qu’on irait à leur rencontre. Et pour ceux qui se reconnaissaient comme tels, ils ne connaissaient pas les structures locales », souligne Claudie Kulak, fondatrice de la Compagnie des Aidants et membre du Conseil économique, social, environnemental (CESE).

Une communication inadaptée

En 2024, cette double observation est encore partagée par toutes les associations dédiées directement ou indirectement (via la maladie ou le handicap de la personne aidée) aux aidants. A commencer par la sensibilisation au rôle d’aidant. Anne-Laure Diochon est la chef de service de la plateforme de répit de l’Association pour adultes et jeunes adultes (APAJH) de Bourg-en-Bresse, dans l’Ain : « Les aidants se considèrent avant tout comme des parents, pour qui il est normal de s’occuper de leur enfant en situation de handicap. C’est à peine s’ils ont la sensation d’en faire un peu plus que la normale ». Quoi qu’il en soit, les aidants qui s’ignorent seraient près d’un sur deux.1 L’aidance, par ailleurs, n’est pas homogène. Dans le cas, par exemple, des enfants qui soutiennent leur mère et/ou leur père âgés, ceux-ci se reconnaissent plus volontiers comme aidants. « Potentiellement, on peut tous être aidant un jour, sauf que la communication des pouvoirs publics n’est pas faite dans ce sens-là », déplore Bénédicte Carré, directrice de la plateforme de l’APAJH, lancée en 2017. Et tout est lié : dès lors que les personnes ne se reconnaissent pas en tant qu’aidants, elles ne peuvent accepter de l’aide.

Et l’accepteraient-elles qu’il leur faudrait ensuite être en mesure de se repérer dans le maquis des dispositifs d’aide existants. « C’est l’autre problème : la lisibilité de l’offre nationale et territoriale », synthétise Bénédicte Carré. C’est aussi l’avis de Geneviève Demoures, présidente de France Alzheimer Dordogne : « Tous les cinq ans, les pouvoirs publics nous annoncent un portail unique. Or, on continue à empiler les dispositifs. Résultat, les aidants sont paumés. » Et bien souvent les médecins eux-mêmes peinent à s’orienter dans le dédale des acronymes qui ne parlent à personne. « La préoccupation principale de l’aidant étant l’aidé, quand un aidant cherche quelque chose sur internet, son point de départ, c’est la situation de l’aidé », reprend la directrice de la plateforme de répit de l’APAJH. Les demandes sont, de ce fait, majoritairement centrées sur la situation de l’aidé et les démarches administratives. Selon le collectif « Je T’aide », près de la moitié des aidants assument ce rôle seul. « En cela, l’aller vers est toujours plus facilitant pour les aidants qui ont déjà un quotidien bien chargé », rebondit Anne-Laure Diochon. C’est la pratique qu’a mise en place la plateforme de répit de de Bourg-en-Bresse. « Quand un aidant s’adresse à nous, on propose à chaque fois une visite à son domicile pour lui éviter des démarches supplémentaires. C’est l’occasion de lui expliquer les différents dispositifs et de l’orienter, en fonction de ses besoins, et si nécessaire, on peut proposer des prestations temps libéré, l’équivalent de 30 h délivrées par des services d’aide et d’accompagnement à domicile. Cette prestation vise à permettre à l’aidant de se reposer ou de faire autre chose », développe la chef de service.

« Faire du cousu-main »

Se référant plus spécifiquement aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, Geneviève Demoures pointe un autre écueil : le fait que les patients ne soient pas suffisamment diagnostiqués et donc soignés. « S’ils l’étaient suffisamment, qu’il s’agisse de l’activité physique adaptée ou des soins dits de support, les aidants iraient beaucoup mieux, constate-t-elle. Hélas, personne ne nous écoute là-dessus. Or, on ne peut pas parler des aidants sans parler d’abord de soins aux aidants. » Ce constat vaut aussi pour l’accompagnement, à l’instar des aides à domicile qui ne sont pas assez sensibilisées à la maladie d’Alzheimer, ce qui ne soutient en rien l’aidant, au final, déplore la présidente de France Alzheimer Dordogne. « En fait, remarque Bénédicte Carré, l’aidant ne demande pas forcément du répit, mais que son proche soit bien pris en charge. Si la personne en perte d’autonomie ou en situation de handicap était accompagnée par un dispositif adaptée, le parent aidant aurait-il une demande de répit ? Pas si sûr… » Sans compter que le recours à des services d’aide à domicile exige du temps en termes de confiance, etc. « Accepter que l’aidant chemine à son rythme fait partie de l’accompagnement proposé par les équipes de notre plateforme », souligne Anne-Laure Diochon.

S’il est parfois difficile d’identifier les besoins des aidants, ce soutien leur facilite à l’évidence la vie au niveau des démarches administratives. « C’est moins de stress, d’inquiétude de ne pas faire les choses convenablement et/ou de peur de perte de chance pour l’aidé », complète Bénédicte Carré. Parents ou conjoints, ils ont un besoin d’écoute très important, pour pouvoir déposer à un moment ce que cette aidance implique au quotidien, rapportent nos deux interlocutrices de l’APAJH. « C’est important de faire du cousu-main, et donc de construire une multiplicité de réponses », observe Bénédicte Carré. En sept éditions, la caravane « Tous Aidants » a fait halte dans 77 villes et plus de 150 000 personnes ont pu bénéficier de l’écoute et du soutien de ses bénévoles.

Aidant(e) : quel profil ?

  • 60 % sont des femmes ;
  • 35 % viennent en aide à plusieurs personnes ;
  • Dans 86 % des cas, l’aidé est un membre de la famille ;
  • 50 % accompagnent un proche dépendant dû à l’âge, 38 % un proche atteint d’une maladie chronique ou invalidante, 25 % un proche en situation de handicap ;
  • 500 000 aidants sont des jeunes – sur un total de plus de 9 millions d’aidants ;
  • 60 % sont salariés, mais seulement 1 salarié aidant sur 4 a informé son employeur de sa situation. L’âge moyen du salarié aidant est de 42,2 ans. Quant au temps médian d’aidance, il est de 9,8 heures par semaine – 10,6 h chez les femmes, 9 h chez les hommes.

(Sources : collectif « Je T’aide » et l’Observatoire 2023 de l’ORCIP)

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