Bien qu’ils soient amenés à disparaître en 2022 au profit de ce que l’on a baptisé les Dispositifs d’Appui à la Coordination (DAC), les réseaux de santé vont en réalité bel et bien faire perdurer leurs activités.
Savez-vous cependant quelles sont justement les missions d’un réseau de santé ? Comment il s’organise ? Qui peut en bénéficier ?
C’est ce que nous allons voir à travers le cas du réseau de santé Humanest, qui couvre l’est de Paris, soit les 11ème, 12ème et 20ème arrondissements. Humanest intervient, grâce à une équipe de 13 salariées, médecins, infirmières, ergothérapeutes, et assistantes sociales, auprès des patients concernés par la gérontologie, l’oncologie et les soins palliatifs.
Le docteur Marie Le Floch, médecin coordonnateur et directrice médicale du réseau de santé Humanest, répond ici aux questions de 66 Millions d’Impatients.
66 Millions d’Impatients : Quelle est l’origine et quels sont les objectifs des réseaux de santé ?
Docteur Marie Le Floch : À l’origine, la plupart des réseaux de santé sont nés suite à des initiatives personnelles, souvent de soignants, par le biais d’associations. Ces réseaux ont pris leur essor dans les années 1980, 1990, au moment où le SIDA est apparu, pour développer surtout des réseaux de soins palliatifs. D’autres réseaux se sont peu à peu créés dans les domaines de l’accès aux soins, en oncologie, en gériatrie, en diabétologie, dans des secteurs touchés par la précarité, etc.
L’objectif des réseaux de santé est la coordination entre les patients et les professionnels de santé d’un territoire, dans le but d’améliorer le maintien à domicile des patients et leur prise en charge, en fonction d’une pathologie ou de situations sociales spécifiques. Ces réseaux sont donc circonscrits à un territoire en particulier et sont animés par une équipe pluridisciplinaire, dont la composition est assez variée d’un réseau à l’autre. Les membres de l’équipe ne font pas eux-mêmes les soins, ils coordonnent les prises en charge et les soins avec les professionnels de santé libéraux ou à l’hôpital, sur leur territoire.
Comment sont financés et organisés ces réseaux de santé ?
Ils sont financés et pilotés par les Agences Régionales de Santé (ARS). Dans les premières années, nous avions la chance de ne pas avoir trop de difficultés de financement. Cela a facilité leur essor, mais il s’est trouvé que leur organisation n’était pas toujours optimale et que par exemple, on pouvait trouver deux réseaux de santé pour une même pathologie sur un même territoire. Depuis quelques années, les ARS ont donc harmonisé, optimisé, fusionné ces dispositifs pour créer de plus en plus de réseaux de santé pluridisciplinaires dans le but de fluidifier le parcours des patients et évidemment de mieux maitriser les financements.
Le travail des équipes des réseaux de santé consiste à connaître au mieux les ressources disponibles sur un territoire dans le domaine médico-social et de rechercher celles qui, éventuellement, manqueraient. Evidemment l’intérêt de travailler sur un territoire restreint est de bien connaître chaque acteur de santé de proximité et de pouvoir travailler, comme son nom l’indique, en « réseau ». Il existe des réseaux plus larges, à l’échelle des régions notamment, mais ils couvriront alors plutôt des maladies spécifiques, comme le diabète ou la maladie de Charcot par exemple (lire notre article sur la maladie de Charcot).
Présentez-nous le réseau Humanest au sein duquel vous travaillez ?
Humanest est finalement un jeune réseau de santé de l’est parisien et nous sommes spécialisés en gériatrie, oncologie et soins palliatifs. Notre équipe de 13 salariées se compose de médecins, d’infirmières, d’ergothérapeutes, et d’assistantes sociales.
Notre principale mission consiste à assurer le maintien des patients à leur domicile et de répondre au mieux à leur projet de vie. Nous assurons beaucoup le lien entre la vie des patients en ville et l’hôpital, car malheureusement, les équipes hospitalières n’ont pas toujours le temps de vérifier que tout est bien mis en place pour le retour des patients à domicile. A l’inverse, on a tendance à envoyer trop rapidement les patients aux urgences alors que des solutions de proximité pourraient être trouvées.
Nous suivons environ 500 patients par an. Notre réseau est ouvert à tous les patients relevant des soins de gériatrie, oncologie ou soins palliatifs et qui vivent sur le territoire de l’est parisien où nous sommes compétents.
Tout le monde peut nous adresser un patient : un parent, un voisin, un pharmacien, les patients eux-mêmes, etc. La plupart des cas nous sont adressés par les hôpitaux, les médecins traitants et les travailleurs sociaux du secteur.
Selon la complexité des cas, l’aide peut se faire par téléphone ou à domicile.
« Sur Paris, il y a finalement une grande méconnaissance de tout ce qui existe en matière de santé. Nous offrons du temps aux patients. Un temps dont ils n’ont pas pu bénéficier à l’hôpital ou en consultation de ville car les médecins ou les infirmières sont souvent submergés de travail. »
En quoi consiste concrètement votre intervention ?
Lorsque c’est possible, pour les cas les moins complexes, tout se passe en réalité par téléphone. En revanche, dès que le cas le nécessite, nous commençons par une évaluation à domicile. Nous nous adaptons aux besoins, à la situation de chaque patient et de son entourage. Nous faisons le maximum pour améliorer la qualité de vie et de prise en charge d’un patient qui tient absolument à rester chez lui. Cependant, si l’un d’eux préfère être hospitalisé, car cela le sécurise, et dans la mesure où son état de santé le nécessite, nous organiserons alors plutôt son hospitalisation ou une installation en maison de retraite par exemple.
Nous intervenons davantage auprès des publics fragiles et précaires, qui manquent de ressources ou n’ont pas la chance de bénéficier d’un entourage qui puisse les aider. Notre intervention est gratuite pour les patients et nous adaptons les soins que nous organisons en fonction de leurs moyens financiers bien entendu, en prenant en compte la possibilité ou non, pour chacun, de pouvoir payer d’éventuels dépassements d’honoraires. Cela nous arrive aussi de négocier avec les médecins ou thérapeutes, l’annulation de dépassements d’honoraires dans certains cas. Nous avons bénéficié jusque-là également de financements de l’Agence régionale de santé pour proposer la venue de psychologues ou de diététiciennes à domicile qui, en ville, ne sont pas remboursés par l’assurance maladie. Il y a donc une grande part sociale dans notre travail, qui consiste finalement en une approche globale de la santé et du bien-être des patients. On aura beau organiser les soins les plus pertinents, si le patient ne peut plus se faire à manger seul ou sortir de chez lui, son maintien à domicile ne sera pas possible. Nous mettons donc en place, au maximum, les solutions qui s’imposent, autant sur le plan médical que sur le plan social.
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