Dans notre précédente communication du 18 mars dernier, nous dénoncions déjà ou, plus exactement, une fois encore, le chantage à l’augmentation des prix exercé par le syndicat des industriels du médicament (LEEM).
Le LEEM continue sans vergogne à vouloir profiter de la mise en danger des personnes malades, précisant récemment « impératif de revaloriser le médicament pour permettre aux industriels de maintenir et de moderniser leurs chaînes de production, assurant ainsi l’accès aux traitements pour nos concitoyens, notamment face au vieillissement de la population et aux défis de santé mentale chez les jeunes »[1].
Sauf que l’augmentation aveugle des prix des médicaments ne garantit aucunement de répondre aux besoins. Les coûts humains et économiques de ces intolérables pénuries méritent d’être évalués et exposées au grand jour. Les industriels responsables doivent, a minima, participer financièrement aux solutions alternatives développées.
Focus sur deux exemples de pénuries problématiques.
En psychiatrie : une situation dramatique
A date, de très nombreux psychotropes sont difficilement disponibles ou font défaut : des antipsychotiques (dont la Quétiapine), des thymorégulateurs (Lithium), des antidépresseurs (notamment la Sertraline). Ces médicaments partagent de douloureux points communs : un changement brutal de molécule ou de dosage augmente considérablement les risques de rechute, d’hospitalisation et pourrait, dans certains cas, entrainer une augmentation des suicides.
Plusieurs associations membres de France Assos santé, dont Argos 2001 et l’Unafam, alertent les pouvoirs publics depuis des mois, demandant que tous les outils soient actionnés pour limiter le désastre. Les préparations magistrales en pharmacie d’officine peuvent constituer une alternative lorsque les spécialités pharmaceutiques sont en rupture. Des préparations magistrales ont ainsi été autorisées, produites et prises en charge pour contribuer à pallier, partiellement, les pénuries de Quétiapine[2]. Face à des prix imposés par les pouvoirs publics et jugés intenables par les pharmaciens d’officine, ces derniers ont décidé de ne pas produire de Sertraline[3].
Les patients doivent-ils continuer à être pris entre le marteau et l’enclume, alors que les industriels ont une obligation d’approvisionnement « approprié et continu du marché national de manière à couvrir les besoins des patients en France »[4] ?
En ophtalmologie : même scénario
L’arrêt de commercialisation de la vitamine A dans les kératites modérées à sévères, sans substitution possible, constitue une perte de chance dramatique pour les patients atteints de pathologies sévères de la surface oculaire[5]. Les associations concernées ont alerté les pouvoirs publics, jusqu’ici en vain, pour que des alternatives soient définies et remboursées pour éviter d’insoutenables restes à charge[6 et 7]pour des personnes en grande précarité. Ici encore, si l’industriel n’a pas répondu à l’ensemble des obligations prévues dans la loi, il doit être mis à contribution financièrement dans les réponses qui pourront être apportées8.
Face à l’impact dramatique des pénuries sur les patients et à des industriels défaillants, les alternatives ne doivent être à la charge ni de la collectivité ni des personnes malades. L’obligation d’importation à la charge de l’entreprise défaillante votée dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020 (!) n’est toujours pas opérationnelle, faute de décret d’application9.
France Assos Santé demande au gouvernement de se saisir du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale pour adapter la législation en vigueur.
[1]Commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins, Table ronde sur « l’état des lieux de l’industrie des produits de santé » réunissant Mme Laurence Peyraut, directrice générale du Leem, Mme Juliette Moisset, directrice de l’Accès et des affaires économiques du Leem et M. Pierre Mezeray, directeur exécutif de Roche Diagnostics. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cesoins/l17cesoins2425019_compte-rendu
[2] Tensions d’approvisionnement en quétiapine : recommandations au 27 mai 2025, ANSM
[3] Préparations magistrales : les officines s’inquiètent des conditions de prise en charge proposées par la DGS, communiqué de presse Pharmaciens des préparatoires de France, syndicat national de la préparation pharmaceutique SN2P, 14 mai 2025
[4] Article L5121-29 du code de la santé publique.
[5] Pénurie de pommades ophtalmiques vitales pour les patients atteints de pathologies sévères de la surface oculaire, le petit journal du Lyell et Stevens-Johnson
[6] Pommade Dulcis, un déremboursement d’opportunité et des économies ? Les conséquences réelles du reste-à-charge des patients, association Keratos, 11 juin 2025
8 L’ANSM, le gendarme du médicament, n’a pas été en mesure de nous répondre – au 18 juin 2025.