Après des semaines d’une intense polémique autour de la poudre blanche énergisante Sniffy, le gouvernement français a décidé d’interdire ce produit.
Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, démissionnaire, a signé l’arrêté d’interdiction de la poudre Sniffy, le mercredi 24 juillet, après avoir demandé l’autorisation à la Commission européenne, en juin.
Sniffy, une poudre blanche énergisante commercialisée depuis mi-2023, est inhalée par le nez, mode de consommation qui rappelle celui de la cocaïne. Une similitude déjà problématique. En outre, Sniffy contient des stimulants qu’on retrouve dans certaines boissons énergisantes, telles que la caféine et la taurine – fortement déconseillées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Destiné à améliorer l’énergie et la concentration, le produit se décline en plusieurs saveurs sucrées. Bref, il s’agit d’une sorte de « cocaïne décocaïnisée ».
Dès sa commercialisation, les associations ainsi que des experts en addictologie ont exprimé de vives critiques, soulignant le risque de banalisation de la consommation de cocaïne. Par ailleurs, si la composition du produit ne contient aucun élément considéré comme dopant ou addictif, des effets indésirables potentiels existent, similaires à ceux des boissons énergisantes, notamment des douleurs thoraciques et de l’hypertension. Le mode d’administration par inhalation peut, quant à lui, entraîner des risques de traumatismes nasaux… comme lors de la prise de cocaïne.
C’est la promotion commerciale du produit, comme l’a fortement dénoncé l’association Addictions France, qui est extrêmement préjudiciable en matière de santé publique et de prévention contre les addictions, et plus que contestable d’un point de vue éthique. En effet, comme l’analyse Addictions France, cette promotion « flirte avec les propriétés généralement attribuées à la cocaïne […] et joue en permanence sur l’ambiguïté et la ressemblance avec la cocaïne (sniff, poudre blanche, shot d’énergie, festif) »[1].
En effet, selon son fabricant, cette poudre est destinée à booster notre énergie dans un monde où « le rythme effréné de nos sociétés nous pousse à être toujours plus productifs et nous invite à repousser nos limites ». Le produit est ainsi promu comme « un soutien pour les activités sportives, un shot d’énergie qui booste votre corps, une aide à la concentration, une meilleure endurance » et comme « un allié pour les évènements festifs ». La déclinaison en saveurs sucrées (goût bonbon fraise, par exemple) est un facteur aggravant, puisqu’elle cible explicitement les jeunes.
Face à la polémique suscitée par le produit, le fabricant de Sniffy avait déjà, le 5 juin dernier, arrêté de vendre sa poudre par inhalation et ne proposait plus qu’une version consommable par voie orale… mais rien n’empêchait évidemment les acheteurs de revenir à son premier usage.
Le gouvernement a réagi rapidement. Après avoir obtenu le feu vert de la Commission européenne, l’arrêté d’interdiction, signé par la ministre de la Santé Catherine Vautrin, a été publié au Journal Officiel ce samedi 27 juillet. Il stipule que « La mise sur le marché, à titre gratuit ou onéreux, des produits sous forme de poudre contenant des substances actives ayant un effet stimulant sur le corps et, en particulier, sur le système nerveux, ou présentés comme ayant de tels effets qui sont, d’une part, destinés à être consommés par voie intranasale ou qui, par leur dénomination, leur présentation ou la promotion qui en est faite, sont raisonnablement susceptibles de l’être et qui, d’autre part, entretiennent une confusion avec la consommation de stupéfiants, est suspendue pour une durée d’un an », couvrant ainsi toute velléité de relancer la marque sous un autre nom. Cette interdiction s’applique sans délai, puisqu’il est spécifié qu’il « sera procédé au retrait des produits mentionnés en tous lieux où ils se trouvent et au rappel auprès des consommateurs qui en détiennent ».
En conclusion, l’affaire Sniffy démontre une fois encore que les professionnels du marketing regorgent décidément d’inventivité pour ce qui est de créer de nouveaux produits attractifs auprès des jeunes – pensons par exemple aux « puffs », ces cigarettes électroniques jetables aux goûts sucrés et aux emballages colorés. Si ces produits ne sont pas tous nocifs pour la santé, de par leur composition, ils le deviennent du fait d’un marketing qui banalise auprès des jeunes la consommation de produits illicites, à l’instar de la poudre Sniffy, ou les risques pour la santé. Citons à cet égard les jus de fruit pétillants vendus comme des alternatives au champagne et ciblant les enfants (le Champomy), alors que l’alcool est responsable de 41 000 décès par an.
Enfin, dans cette affaire, le gouvernement a, pour sa part, fait la preuve qu’il pouvait agir rapidement et efficacement pour légiférer et faire interdire ces produits. Question : à quand l’interdiction de la banalisation des produits alcoolisés auprès des jeunes ?