Influenceurs et promotion de l’alcool : sur les réseaux sociaux, c’est toujours le Far-West !

Un an après un premier rapport accablant sur les dérives du marketing en matière de promotion d’alcool sur les réseaux sociaux, le bilan publié aujourd’hui par Addictions France dresse un constat à nouveau sans appel : sur les réseaux sociaux, trop d’influenceurs bafouent la loi et participent, volontairement ou en étant instrumentalisés par les marques d’alcool, à la banalisation de la consommation d’alcool chez les jeunes.

Rien n’a changé depuis un an, les contenus faisant la promotion de l’alcool sur les réseaux sociaux sont toujours plus nombreux. Pire, une majorité de ces contenus est désormais diffusée en stories, c’est-à-dire sous des formats éphémères…et donc difficiles à contrôler et sanctionner ! Malgré les démarches de sensibilisation entreprises par Addictions France et les signalements répétés, près d’un influenceur sur deux persiste à publier ce type de contenus, y compris, pour certains d’entre eux, en arborant fièrement un « certificat d’influence responsable » délivré par l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP). Cette « autorité » de « régulation » de la publicité par ceux-là mêmes qui la font, se targue pourtant d’agir « en faveur d’une publicité loyale, véridique, saine et respectueuse en examinant le contenu de messages publicitaires, quel qu’en soit le moyen de diffusion, afin de concilier la liberté d’expression des professionnels et le respect des consommateurs » : Addictions France a pourtant découvert en échangeant avec des influenceurs sur des contenus en infraction avec la loi Evin que certains d’entre eux les avaient fait valider par l’ARPP ! Un très mauvais point donc pour une profession qui revendique transparence et éthique et se targue de l’efficacité de sa propre auto-régulation !

Loin de favoriser une meilleure application de la loi Evin, le statut de « signaleur de confiance auprès de l’ARCOM », qui garantit en théorie un traitement prioritaire par les plateformes des signalements faits par les associations disposant de cette reconnaissance, est un cautère sur une jambe de bois : la réactivité des plateformes est insuffisante (quand elle n’est pas tout simplement aux abonnés absents !) lorsque des demandes de retrait de contenus problématiques sont faites, favorisant là-encore l’exposition des jeunes.

Ce nouveau rapport d’Addictions France rappelle pourtant fermement que la responsabilité juridique existe, que la loi s’applique et que les influenceurs ne peuvent plus se cacher derrière le caractère éphémère de leurs publications. A noter que certains d’entre eux ont réagi aux sollicitations de l’association par la dérision ou la provocation, allant jusqu’à mobiliser leur communauté contre les alertes de santé publique. Un très mauvais point pour la maturité et la compréhension des enjeux de santé publique.

Face à cette situation, France Assos Santé apporte son soutien aux positions d’Addictions France. Nous partageons le même constat : tant que les réseaux sociaux resteront une zone grise, les alcooliers et certains créateurs de contenu auront un accès direct, massif et non régulé aux plus jeunes : 79% des 15-21 ans voient des publicités pour de l’alcool toutes les semaines sur les réseaux sociaux, publicités d’autant plus attractives et incitatives quand elles sont relayées par des influenceurs qui glamourisent l’alcool et auxquels les jeunes cherchent évidemment à s’identifier !

La loi Evin, mise en place à une époque où les réseaux sociaux n’existaient pas, peine à répondre aux enjeux actuels qu’ils posent, et tout effort de prévention devient alors inaudible. Il est urgent de l’adapter aux méthodes de communication d’aujourd’hui. Or la loi du 9 juin 2023 encadrant l’activité des influenceurs n’a pas abouti à une interdiction du marketing de l’alcool par les influenceurs, alors même que la publicité pour l’alcool est interdite à la TV et au cinéma ! Un très mauvais point pour la protection des mineurs et la cohérence des politiques publiques.

Au côté d’Addictions France, nous appelons à un renforcement urgent du cadre législatif sur la promotion de l’alcool : interdiction claire de la publicité pour l’alcool sur les réseaux sociaux, sanctions réelles et renforcement des moyens de contrôle de la DGCCRF. C’est une condition indispensable pour mettre fin à l’impunité actuelle et protéger durablement les jeunes générations. Sur un enjeu aussi crucial, la complaisance n’est plus une option.

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