Début des débats sur la fin de vie : focus sur le texte soumis à examen

Coup d’envoi ce lundi 12 mai du débat sur la fin de vie à l’Assemblée nationale, marquant une étape cruciale dans la réflexion collective autour de l’accompagnement des personnes en fin de vie.

Après la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs, adoptée à l’unanimité par la commission des affaires sociales, la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir (anciennement « relative à la fin de vie » ), ce nouvel intitulé reprenant un amendement du rapporteur général et des corapporteurs, a également été adopté, le 2 mai dernier. France Assos Santé avait regretté le choix de scinder en deux propositions de loi distinctes ce qui constituait, initialement, les deux volets d’un seul et même texte relatif à l’accompagnement des personnes malades et à la fin de vie, cette scission comportant le risque d’envoyer aux usagers le message, selon lequel il s’agirait de deux parcours distincts et exclusifs l’un de l’autre alors que, en réalité, il s’agit bien pour la personne malade d’un seul et même parcours.

Ces deux textes s’apprêtent donc à être débattus en séance plénière à l’Assemblée nationale, dans la même séquence temporelle, avec un vote commun : nous saluons cette organisation du débat parlementaire qui permet à l’accompagnement de la fin de vie de continuer à être, malgré tout, pensé de manière globale.

Parmi les modifications opérées par la Commission des affaires sociales, plusieurs répondent à des attentes de notre collectif associatif :

  • La mise en place d’une commission de contrôle a posteriori des sédations profondes et continues jusqu’au décès, prévue dans la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement, a été supprimée : une telle commission, similaire à celle prévue pour contrôler les procédures d’aide à mourir, aurait en effet créé une ambigüité sur cet acte, le renvoyant à une pratique euthanasique, ce qui aurait été in fine préjudiciable aux personnes malades qui peinent déjà à mobiliser ce nouveau droit ;
  • Dans la proposition de loi relative à l’aide à mourir, nous saluons l’avancée majeure que représente l’adoption d’un amendement permettant à la personne malade de choisir la modalité d’administration de la substance létale qu’elle souhaite. Avancée sur laquelle toutefois le gouvernement souhaite revenir via plusieurs amendements déposés, au nom de « l’autonomie de la personne ». Le gouvernement confond ici l’autonomie physique et l’autonomie décisionnelle : il est en effet paradoxal, au nom de leur autonomie, de retirer aux personnes malades la liberté de décider de l’accompagnement qu’elles souhaiteraient. Sous couvert de favoriser l’autonomie des patients, ne s’agit-il pas ici d’une mesure qui vise en réalité à préserver les soignants et si oui, pourquoi ne pas l’assumer en tant que telle ?

France Assos Santé s’est positionnée en faveur de la possibilité pour la personne malade de choisir entre auto-administration et administration par un soignant car seule cette possibilité permet la prise en compte des situations où la personne ne serait pas en mesure de s’auto-administrer la substance létale pour des raisons autres que l’incapacité physique (angoisse importante, motif personnel, volonté de ne pas laisser cette dernière image à ses proches…). Nous rappelons que dans les pays où les deux modalités d’administration sont possibles, les personnes malades choisissent de recourir majoritairement à une administration par un soignant. Cela doit nous interpeler : respecter la volonté de la personne malade, c’est lui laisser le choix de ce qu’elle souhaite comme accompagnement, sans instaurer une hiérarchisation morale des pratiques, qui pèserait autant sur la personne malade que sur le soignant qui accepterait de l’accompagner.

Nous saluons également :

  • L’adoption d’un amendement permettant à la personne de confiance de témoigner lors de l’examen de la demande avec accord de la personne malade ;
  • L’adoption d’un amendement caractérisant le décès par aide à mourir de « mort naturelle » afin de minorer l’impact traumatique sur l’entourage et d’éviter toutes dérives, notamment au niveau des assurances ;
  • L’adoption d’un amendement visant à assurer la présence d’une représentation des usagers – et pas uniquement une présence médicale comme c’était le cas initialement- dans la commission de contrôle et d’évaluation qui sera mise en place.

Un débat s’est tenu au printemps dernier, juste avant la dissolution de l’Assemblée nationale sur l’un des critères d’accès à l’aide à mourir : la formulation initiale du critère stipulait que la personne malade devait avoir un « pronostic vital engagé à moyen terme ». Le critère avaient ensuite été reformulé en Commission spéciale, pour retenir la rédaction suivante : « Être atteinte d’une affection grave et incurable qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale ».

Les débats ayant été vifs sur ce point, la Haute Autorité de santé (HAS) a été missionnée par la ministre de la Santé pour éclairer les débats sur cet enjeu. La HAS s’est appuyée sur les travaux d’un groupe de travail pluridisciplinaire incluant une analyse de la littérature scientifique, un état des lieux des législations internationales ainsi que des auditions d’experts : elle a rendu son avis le 6 mai dernier, juste avant la reprise des échanges sur les deux propositions de loi.

Trois points clés ressortent de cet avis :

  • Premièrement, l’impossibilité de définir objectivement un pronostic temporel à l’échelle individuelle : les outils pronostiques permettent d’estimer un horizon temporel à l’échelle d’une maladie, mais pas à l’échelle d’une personne malade. Chaque situation est singulière et l’évaluation temporelle d’un pronostic est nécessairement subjective. De ce fait, aucun pays européen n’a retenu de critère d’ordre temporel. Certains pays, comme le Québec, y ont même renoncé après une période d’application.
  • Deuxièmement, la notion de phase avancée peut être comprise en dehors d’une approche temporelle, car elle ne renvoie pas à l’échéance du décès, mais à la nature de la prise en charge qu’appelle l’histoire d’une maladie, et donc au parcours singulier de la personne malade. La « phase avancée » peut être définie comme l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie.
  • Troisièmement, la HAS préconise de sortir d’une logique de prédiction de la quantité de vie restante pour retenir une logique d’anticipation et de prédiction de la qualité du reste à vivre.

Nous saluons la clarté de cet avis, qui fait écho au vécu des personnes malades et au positionnement de France Assos Santé sur ce sujet. Nous avions en effet appelé les membres de la commission des affaires sociales, lors de notre audition, à ne pas opérer de discrimination sur un critère temporel quantitatif, alors que les demandes d’aide à mourir des personnes malades sont motivées par les conséquences que leur pathologie entraîne sur leur qualité de vie. Nous ne rappellerons jamais assez que la souffrance n’impacte pas la durée du temps qu’il reste à vivre, mais la manière dont il est vécu, dont seule la personne malade peut apprécier le caractère supportable ou non pour elle.

Nous soutenons donc la rédaction « en phase avancée ou terminale », à nouveau votée en commission des affaires sociales, et proposons de préciser que la notion de phase avancée renvoie à un degré de souffrance, de perte fonctionnelle ou d’altération de la qualité de vie, apprécié subjectivement par la personne malade elle-même, et non à une temporalité clinique. Le gouvernement a, quant à lui, déposé un amendement proposant de caractériser la notion de phase avancée par « l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie », excluant ainsi les situations médicales sans issues non évolutives.

Pour autant, le débat en commission des affaires sociales est loin d’avoir épuisé le sujet, et de nombreuses questions restent en suspens. :

Nous continuons à déplorer l’absence de toute mesure visant à renforcer les droits et les aides des proches aidants, et l’approche « à la carte » de l’aidance que cela sous-tend. Ces deux propositions de loi étaient l’occasion de passer à l’action sur des mesures très attendues mais tous les amendements déposés en ce sens ont été déclarés irrecevables en Commission des affaires sociales !

Nous attendons également que la reconnaissance du rôle des associations de bénévoles dans l’accompagnement des fins de vie ne se limite pas qu’à de belles paroles, mais se traduise par l’inscription de moyens alloués et de mesures leur permettant d’investir le domicile et les futures maisons d’accompagnement.

Enfin, concernant le sujet de l’aide à mourir, il nous semble capital qu’un débat se tienne sur la difficile question des demandes anticipées d’aide à mourir, notamment pour les personnes dont la maladie grave et incurable peut occasionner des troubles cognitifs au décours de l’évolution, et qui souhaiteraient jouir de cette autorisation en anticipation, en étant assurées qu’elles pourront le moment venu choisir leur départ sans voir leur aptitude à manifester leur volonté remise en question.

France Assos Santé reste pleinement engagée dans le débat qui arrive dans l’hémicycle : ces évolutions, demain, concerneront en premier lieu les personnes malades et leurs proches que nos associations représentent, elles doivent se construire avec eux et pour eux.

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