Adoption in extremis du paquet pharmaceutique européen : ce qu’en pensent les patients

Le 11 décembre dernier, après deux ans et demi de discussions, les 3 institutions de l’Union européenne (UE) – la Commission, le Parlement et le Conseil – ont trouvé un accord politique sur la directive et le règlement qui composent le paquet pharmaceutique. 

Si le nouveau code européen du médicament ne tient pas toutes les promesses de la proposition présentée par la Commission européenne et amendée par la Parlement, il améliore l’accès, la prévention des pénuries, la participation des patients et la transparence des financements publics. En revanche, l’encadrement de la propriété intellectuelle, qui constituait le point névralgique des négociations, ne permettra probablement pas de peser significativement sur les prix des médicaments. Ce paquet pharmaceutique est la première révision majeure de la législation pharmaceutique de l’UE depuis 2004 – c’est dire son importance.

Dans l’attente de la publication des textes définitifs, nous avons listé nos principaux motifs de satisfaction et de déception au regard du plaidoyer porté par France Assos Santé depuis la présentation de la stratégie pharmaceutique en 2020.

1. Des avancées majeures concernant la lutte contre les pénuries

Le renforcement des règles de prévention des pénuries de médicaments est, depuis de nombreuses années, une priorité absolue pour notre Union. L’obligation de mettre en place des plans de prévention des pénuries pour tous les médicaments soumis à prescription médicale et de notifier les risques de pénuries pour tous les médicaments, au moins 6 mois avant qu’ils ne se matérialisent, constitue un succès majeur puisque cela élargit de manière sensible les obligations qui pèsent aujourd’hui sur les industriels en vertu de la législation française.

2. Vers un accès plus rapide et plus équitable des patients aux médicaments

Les délais de mise sur le marché des produits pharmaceutiques à compter de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne varient considérablement d’un État membre à l’autre et il arrive qu’un médicament ne soit jamais commercialisé dans certains pays de l’UE ; ces décisions répondent à des logiques purement commerciales (niveaux de prix et taille du marché) et ne tiennent aucun compte des besoins des patients. Les choses devraient changer, désormais, puisque les entreprises pharmaceutiques auront l’obligation de solliciter le remboursement de leur produit dans tous les États membres qui en feront la demande, et ce dans un délai d’un an. En l’absence de commercialisation effective et d’approvisionnement adéquat au bout de 3 ans, l’entreprise perdra le bénéfice de la protection du marché dans ce pays, ce qui permettra aux médicaments génériques d’y pénétrer plus rapidement.

3. Amélioration de la transparence des financements publics

La transparence des financements publics de la fonction recherche & développement est un enjeu démocratique et économique majeur, l’objectif étant de connaître le montant de ces investissements pour pouvoir en tenir compte dans la fixation du prix des médicaments. La directive pharmaceutique représente un progrès significatif par rapport aux obligations qui pèsent aujourd’hui sur les laboratoires, puisqu’elle impose une déclaration, produit par produit, de toutes les sommes versées par un organisme public ou sans but lucratif à toutes les entités juridiques ayant contribué au développement du médicament, en Europe ou dans le monde. Nous regrettons néanmoins l’exclusion des financements indirects (ex : crédits d’impôts) de cette mesure, qui ne sera effective que si elle s’accompagne de sanctions efficaces.

4. Renforcement de la participation des patients

L’implication des patients dans toutes les décisions importantes qui concernent le médicament était l’une des principales avancées des textes présentés par la Commission et amendés par le Parlement européen. Alors que l’intérêt de cette participation semblait ne plus faire débat, le droit de vote des représentants de patients au sein du Committee for medical produts for human use (CHMP), le comité de l’Agence européenne des médicaments (EMA), qui émet un avis en vue de l’AMM européenne, a fait l’objet d’âpres négociations entre le Parlement et le Conseil. La préservation de cette participation dans le texte final peut donc être considérée comme une victoire, malgré la réduction du nombre de représentants de 4 à 2, et un droit de vote unique.

5. Peu d’évolution concernant la protection de la propriété intellectuelle

France Assos Santé s’était positionnée en faveur d’une réduction de la durée de la protection intellectuelle, dont bénéficient tous les médicaments, tout en soutenant le principe d’une protection supplémentaire conditionnelle, sans dépasser la durée totale de protection actuelle (10 an plus 1 an pour une nouvelle indication). Si le compromis adopté le 11 décembre ne franchit pas cette ligne rouge, le principe de conditionnalité est considérablement affaibli : il ne porte que sur 1 an de protection du marché et les conditions alternatives que les industriels peuvent remplir pour obtenir cette année additionnelle sont multiples. Les cas dans lesquels les médicaments génériques pourront entrer plus tôt sur le marché devraient donc faire figure d’exception.

Notons que les bons d’exclusivité transférables, mesure proposée par la Commission européenne pour favoriser le développement de nouveaux antibiotiques, à laquelle nous nous sommes toujours opposés, font également partie de la copie finale. Les conditions de leur octroi (maximum 5 bons sur 15 ans) et de leur transfert sont, certes, strictement encadrées mais cette prolongation d’un an de la protection du marché pourra, dans des cas exceptionnels, porter la durée totale de la protection de la propriété intellectuelle à 12 ans.

Il est aujourd’hui difficile de savoir quand les dispositions du paquet pharmaceutique deviendront effectivement applicables. La version définitive des textes ne sera pas disponible avant plusieurs mois et ils devront ensuite être officiellement adoptés par le Parlement et le Conseil. Quant aux délais de transposition et d’adaptation en droit national, ils seront au minimum de 18 mois mais pourraient être plus longs, comme demandé par les États membres. Quoi qu’il en soit, France Assos Santé continuera à défendre activement les intérêts et positions des usagers lors de cette nouvelle phase législative.

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