L’association fête cette année ses 60 ans. C’est l’âge que peuvent espérer atteindre et même dépasser la plupart des enfants qui naissent aujourd’hui avec la maladie. Les nouveaux traitements soulagent les symptômes et allègent le fardeau, mais ne guérissent pas encore la mucoviscidose.
Depuis 2022, le président de l’association Vaincre la mucoviscidose est un patient. Et c’est tout sauf un détail, car cette situation était juste inimaginable il y a quelques années. David Fiant a 42 ans, et avant lui, jamais un malade souffrant de mucoviscidose n’avait pu accéder à cette responsabilité exigeante, faute d’avoir atteint l’âge ou d’être en état de l’assumer.
Le fait que ce poste n’échoie plus systématiquement à des médecins ou des parents de patients illustre à quel point les temps changent, et combien les traitements de la mucoviscidose ont progressé : dans les années 1960, la maladie était fatale dès la petite enfance avec une espérance de vie de cinq ans. Aujourd’hui, la plupart des patients sont des adultes. Une révolution thérapeutique est passée par là : quand le traitement de la maladie s’est longtemps limité à atténuer les symptômes, l’arrivée, il y a quelques années, sur le marché français, de nouvelles thérapies dites « protéiques », a bouleversé prise en charge et statistiques.
Maladie génétique, la mucoviscidose touche une naissance sur 4 500 (200 nouveaux nés par an) et compte environ 7 500 patients en France. Elle est induite par des mutations du gène CFTR, qui code une protéine du même nom. On estime que plus de 2 millions de Français sont porteurs du gène défectueux. Pour que l’enfant soit atteint, il faut que les deux parents soient porteurs. Le gène étant anormal, la protéine n’assume pas correctement son rôle, ce qui conduit, chez les malades, à la formation d’un mucus épais et visqueux qui entraine la défaillance de multiples organes, en particulier les systèmes respiratoires, digestifs et reproducteurs.
Pallier l’anomalie du gène
Quand les traitements ont longtemps consisté à fluidifier et évacuer le mucus, via des aérosols et des séances de kinésithérapie respiratoire, à faciliter la digestion grâce à l’administration d’enzymes pancréatiques et à soigner aux antibiotiques les infections à répétition générées par la maladie, les nouvelles molécules arrivent aujourd’hui à rétablir, au moins partiellement, l’activité de la protéine dysfonctionnelle. Et les résultats sont impressionnants. David Fiant est traité depuis cinq ans, il revient de loin : « En 2020, j’étais sur liste d’attente de greffe pulmonaire, je n’avais plus que 15 % de capacité respiratoire, j’avais huit heures de soins par jour, j’étais sous assistance respiratoire permanente, j’avais beaucoup maigri et, franchement, ce n’était pas une vie, se souvient-il. Avec le traitement (Le Kaftrio à raison de 2 comprimés par jour), je suis remonté à 45 % de capacité respiratoire, j’ai repris du poids et ça change tout, évidemment. J’ai retrouvé une vie plus normale et je suis sorti de la liste de greffe ! »
Pour autant, David Fiant se refuse à parler de miracle. D’abord parce que le traitement n’agit pas sur tous les malades avec la même efficacité : certains sont très réceptifs, d’autres moins, une minorité de patients n’y est pas éligible, le Kaftrio n’ayant pas d’effet sur leur type de mutation. Ensuite, parce le traitement ne répare pas les dégâts causés par la maladie au fil des années : « J’ai bénéficié de la thérapie protéique tard dans l’histoire de ma maladie. Je m’estime déjà chanceux, car la moitié de ceux que je côtoyais enfant à l’hôpital ne sont plus là. Mais mes poumons sont malheureusement très abimés, avec des lésions irréversibles contre lesquelles le traitement ne peut rien faire. Je vais mieux, certes, mais je ne récupèrerai jamais pleinement. L’avantage des enfants qui naissent aujourd’hui avec une mutation, c’est qu’en étant soignés très tôt, leur santé ne va pas se dégrader et ils devraient avoir une espérance de vie d’autant plus longue ».
Le Kaftrio dès l’âge de 2 ans
Aujourd’hui, on peut en effet initier le traitement protéique à partir de 2 ans. Grâce au dépistage néonatal obligatoire depuis 2002, on sait dès les premiers jours si un enfant est atteint de mucoviscidose. Pour les parents, l’annonce de la maladie reste un tremblement de terre : « Le sol s’est dérobé sous nos pieds », décrit Nicolas, dont le petit garçon est né avec une mutation du gène CFTR en 2021. Il reconnait toutefois que « c’est une chance qu’il ait vu le jour en 2021. Quand il a eu 2 ans, le Kaftrio, qui n’était jusque-là autorisé qu’aux plus de 6 ans, est devenu accessible aux enfants de son âge, il a donc pu en bénéficier très tôt. On est toujours inquiets pour son avenir, mais les soins quotidiens se sont allégés, et ses poumons sont moins encombrés. On espère évidemment que c’est du temps gagné sur la maladie et qu’il vivra mieux que les générations précédentes ».
Responsable du Centre de Ressources et de Compétences de la Mucoviscidose (CRCM) de Reims (l’un des 47 centres experts en France dédiés à la maladie), le Dr Katia Bessaci Kabouya ose le superlatif. « L’arrivée des thérapies protéiques, ce qu’on appelle les modulateurs de la protéine CFTR, c’est extraordinaire ! Depuis plus de vingt ans que j’exerce au centre, j’ai vu tant de patients mourir, tellement jeunes, explique la pédiatre. Le diagnostic a longtemps été une condamnation à mort. Aujourd’hui, on promet la vie ! Plus on le donne tôt, plus on préserve les poumons. » La mucoviscidose était une maladie infantile, elle va finalement devenir une maladie chronique d’adulte. Pour la première fois, la médiane de vie a dépassé 40 ans, en 2022, et ce n’est pas fini. « Une de mes jeunes patientes a été parmi les premières à être traitée au Kaftrio, ajoute le Dr Bessaci Kabouya. Elle avait 17 ans, son état était très dégradé, elle était en attente de greffe pulmonaire, la greffe ayant longtemps constitué la dernière option des malades. Au bout d’un mois, elle ne toussait plus et n’avait plus besoin d’oxygène… et la très bonne nouvelle, c’est qu’elle vient d’avoir son premier enfant ! »
L’espoir de guérir un jour la maladie
Le combat est-il gagné ? Pas encore. D’abord, parce que le Kaftrio soulage mais ne guérit pas la maladie. C’est un traitement à prendre tous les jours, et on manque de recul : on ne sait pas comment les patients vont le supporter sur la durée. Ensuite, parce que, outre les 10 % de malades ayant une mutation qui ne répond pas au traitement, les patients déjà greffés n’y sont pas éligibles, ce qui exclut au total plus de 20 % des malades. Enfin, parce qu’il ne rétablit que partiellement la fonction de la protéine CFTR et n’a pas d’effet sur les organes digestifs et reproducteurs. « On a encore du travail, commente la pédiatre. On doit mettre au point des thérapies protéiques encore plus efficaces. Parallèlement, on explore de nouvelles pistes comme la thérapie génique et les thérapies de l’ARN pour espérer un jour guérir la plus fréquente des maladies rares… »
En attendant, une nouvelle ère s’est ouverte pour les patients. Le président de Vaincre la Mucoviscidose l’observe : « Les malades que nous sommes apprennent à conjuguer la vie au futur, c’est même déboussolant pour certains, qui n’avaient pas osé jusque-là s’imaginer un avenir ».
Pour le Dr Katia Bessaci Kabouya, les progrès accumulés dans la prise en charge des patients français doivent beaucoup à l’association, et à son « travail prodigieux » depuis soixante ans: « Le dépistage néonatal, et la construction des centres experts à partir de 2002, mais aussi la formation des soignants, l’accompagnement des familles, le soutien de la recherche, l’accès aux traitements innovants… si on en est là, c’est grâce à elle et à la ténacité de ses bénévoles », constate la pédiatre.
Nicolas, dont le petit garçon est atteint, a voulu adhérer dès le diagnostic, pour chercher du soutien, mais aussi pour participer activement à ce qui est devenu sa nouvelle bataille : vaincre la maladie. Il dit avoir trouvé au sein de l’association non seulement de l’espoir, mais aussi ce qu’il appelle de la beauté humaine. « Des hommes, des femmes, qui forcent mon admiration et m’interdisent de me plaindre. Certains ont perdu leur enfant, mais continuent de se battre pour les générations qui arrivent ».
À l’occasion de son 60e anniversaire, l’association organise un événement unique regroupant plus de 600 personnes : Muco en Scène, les 17 et 18 mai 2025 au Centre des Congrès Paris – La Villette.
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