Restriction de la prise en charge des frais de santé des étrangers

Deux décrets sortis fin décembre viennent acter les annonces faites il y a quelques semaines, limitant la prise en charge des soins des étrangers en situation administrative précaire.

Ces dispositions s’ajoutent à celles inscrites dans le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2020 qui ont durci les contrôles de l’AME (Aide Médicale d’Etat) en demandant, notamment, la présence physique des demandeurs pour le dépôt des demandes.

  • Le premier décret diminue la période du maintien de droits de la prise en charge, la faisant passer de 12 à 6 mois. Cette disposition ciblait à priori les personnes déboutées de leur demande d’asile, mais elle impactera en réalité tous les étrangers détenteurs de titres de séjours courts (plus de 800.000) à renouveler régulièrement et qui ont vocation à rester en France. Au regard des délais préfectoraux, de nombreuses personnes risquent de basculer de la Protection Universelle Maladie (PUMA) à l’Aide Médicale d’Etat (AME), le temps que leur situation se régularise, et complexifiant ainsi la gestion pour l’Assurance Maladie, et donc l’accès aux soins.
  • Le second décret introduit un délai de carence de 3 mois de résidence pour les demandeurs d’asiles avant qu’ils puissent bénéficier de la prise en charge de leurs soins. Cette disposition vient fragiliser la situation de personnes ayant un long parcours, parfois traumatisant, qui dans les faits mettent déjà plusieurs semaines avant de voir leurs frais de santé pris en charge au regard des difficultés administratives et des barrières de la langue.

Au final, ces dispositions actent un recul sans fondement de la prise en charge des personnes fragilisées. Toutes les études sérieuses montrent en effet que les fraudes en matière de protection maladie des étrangers sont faibles et qu’au contraire le taux de non recours à l’AME est très élevé : la moitié des personnes éligibles n’y ont pas recours la première année de résidence, et seulement 35% après 5 années de résidence(1), traduisant bien le fait que le motif médical est marginal en matière d’immigration et que le dispositif est déjà complexe.

Ces restrictions sont bien sûr également synonymes de risques en matière de santé publique avec des populations mal soignées. Elles fragilisent également un système de santé à bout de souffle avec un report des soins vers des hôpitaux déjà saturés ainsi qu’une charge de travail supplémentaire pour les caisses d’assurance maladie qui devront gérer les changements de situation et accueillir physiquement les personnes faisant une demande d’AME.

(1) IRDES, Questions d’économie de la santé n° 245 – Novembre 2019, « Le recours à l’Aide médicale de l’État des personnes en situation irrégulière en France : premiers enseignements de l’enquête Premiers pas »

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