gravage prothèses dentaires

Marquage des prothèses dentaires amovibles en EHPAD

La part de remboursement des prothèses dentaires par l’Assurance maladie et les complémentaires santé étant souvent faible par rapport à leur coût très important, il n’est pas vraiment question de les faire refaire à discrétion… Pourtant, dans le cas des prothèses dentaires amovibles, communément appelées dentiers, les pertes et les échanges en maison de retraite ou à l’hôpital sont relativement courants.

A l’hôpital, on retire notamment les prothèses dentaires amovibles lorsque l’on doit intuber un patient et, en maison de retraite le personnel les emporte régulièrement, le temps de les nettoyer.

Ainsi à Brest, le Centre Hospitalier Universitaire a été récemment condamné à rembourser non seulement les frais dentaires d’un patient dont la prothèse a été égarée lors de son intubation, mais également 500 euros au titre de préjudice moral et 300 euros pour le « déficit fonctionnel temporaire » (plus de détails dans cet article du Télégramme). De la même façon, en 2010, le tribunal administratif de Melun avait relevé une faute dans l’organisation d’un hôpital de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, après la perte de la prothèse d’une patiente (voir l’article). Autant de préjudices et de frais qui pourraient être facilement évités si toutes ces prothèses amovibles bénéficiaient d’un marquage au moment de leur conception.

En Nouvelle Aquitaine, le docteur Fournier, chirurgien-dentiste et Président du réseau EHPADENT a mis en place une initiative de gravage des prothèses dentaires des résidents en EHPAD qui sont suivis par le réseau. Selon lui, les bénéfices du marquage des prothèses dentaires sont évidents, d’autant que le coût de cet acte est vraiment faible par rapport au prix d’une prothèse.

 

INTERVIEW DU DOCTEUR FOURNIER
CHIRURGIEN-DENTISTE

PRÉSIDENT DU RÉSEAU EHPADENT

Qu’est-ce que le réseau EHPADENT ?

Au niveau de notre région, anciennement Limousin, désormais Nouvelle Aquitaine, nous avons créé le réseau EHPADENT, pour aider à prendre soin de la santé bucco-dentaire des résidents en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). On demande aux EHPAD de signer une convention de partenariat de façon à ce que le libre choix soit respecté, ainsi que le secret médical. Tous les EHPAD de notre région ne nous reçoivent pas et c’est beaucoup à nous d’aller vers eux, de les relancer.

Des praticiens, actifs et retraités, sont donc missionnés par le réseau pour se rendre dans des EHPAD, faire un bilan de l’état bucco-dentaire des résidents et proposer ensuite une orientation sur la prise en charge des soins, selon leurs besoins, soit en milieu hospitalier, soit en cabinet de ville. Nous travaillons également sur la formation du personnel soignant car ce dernier n’applique pas toujours assez les consignes d’hygiène au niveau des prothèses dentaires, alors que c’est un acte relativement simple à effectuer et qui contribue à une bonne santé bucco-dentaire des résidents.

Comment avez-vous imaginé en venir au marquage de prothèses dentaires ?

C’est en travaillant sur cette formation à l’hygiène avec le personnel soignant que nous nous sommes rendus compte qu’il y avait des problèmes de pertes ou d’échanges de prothèses parmi les résidents. Cela fait donc un certain temps que nous voulions organiser une action sur ce sujet.

Par chance, l’un de nos confrères bénévoles a rencontré un prothésiste à la retraite qui a accepté de nous aider. Il accompagne le chirurgien-dentiste lors de ses visites pour le bilan bucco-dentaire et en profite pour faire sur place le marquage des prothèses dentaires.

Le marquage se déroule donc directement sur place, en EHPAD ?

Tout à fait. C’est un énorme avantage de pouvoir le faire sur place car on n’a même pas besoin de retirer leurs prothèses aux résidents pour les envoyer chez un prothésiste, ce qui prendrait sinon quelques jours, au moins quelques heures, et les priverait de pouvoir manger normalement durant cette période.

Le réseau prend en charge les frais du prothésiste qui vient avec le matériel nécessaire. Il lui suffit de creuser légèrement la résine d’une prothèse pour y insérer une bandelette contenant un numéro ou des initiales, puis de recouvrir la bandelette de résine et de la cuire. On peut alors lire la bandelette par transparence sous la résine. Cela ne gêne en rien le patient et cela ne retient pas de bactéries ou de tartre. Le coût est très faible, car il faut certes un peu de matériel mais finalement très peu de matériaux.

Pourquoi ne pas indiquer directement le nom du résident sur le marquage ?

On ne peut pas écrire le nom du patient directement car il faut respecter le secret médical. C’est tout simplement interdit même si cela serait plus pratique car le marquage avec des initiales peut porter à confusion et que dans le cas des numéros, il faut bien entendu établir une liste à disposition du personnel médical de la maison de retraite.

Il faut également savoir qu’un prothésiste ne peut pas effectuer de gravage sans une prescription médicale.

Doit-on parler de marquage ou de gravage ?

On utilise le terme générique de « marquage » car il y a plusieurs techniques. Parmi elles, il y a celle du gravage que je viens d’exposer, mais aussi le marquage à l’aide d’une encre que l’on appelle alors tatouage ou encore l’insertion d’une puce électronique dans la prothèse dentaire. Une expérimentation avec les puces a été faite dans une autre région en France. C’est assez pratique et la puce en elle-même ne coûte pas forcément cher, mais il faut un lecteur à disposition du personnel médical des maisons de retraite qui choisissent ce système et l’ensemble du dispositif est finalement assez onéreux par rapport au simple gravage.

Est-ce cher pour quelqu’un qui voudrait le demander à son dentiste au moment de faire fabriquer une prothèse dentaire amovible ?

Si on le fait au moment de la conception, le coût est vraiment faible par rapport au coût d’une prothèse dentaire, environ 20 à 30€. Ce sera un petit peu plus cher si on le fait plus tard, ne serait-ce que parce qu’il faudra alors prévoir le coût d’une consultation. En outre, ce n’est pas très pratique pour le patient puisqu’il devra se passer de sa prothèse le temps qu’elle transite chez le prothésiste.

Le marquage est-il remboursé par l’Assurance maladie ?

Il n’y a aucun remboursement de la part de l’Assurance maladie. C’est sûrement l’une des raisons pour lesquelles on n’a pas pris l’habitude de le faire régulièrement. J’avoue que moi-même en tant que praticien, je n’y pensais pas auparavant. Il faudrait sans doute sensibiliser notre profession sur ce sujet. Je constate d’ailleurs que depuis que nous avons commencé le marquage des prothèses en EHPAD, nous avons rencontré très très peu de résidents dont la prothèse était déjà gravée.

Au bout de combien de temps est-ce préjudiciable pour un résident de ne plus avoir sa prothèse ?

Ça l’est immédiatement. En dehors du fait que cela engendre une perte d’estime de soi, dès le premier repas, la personne ne pourra pas manger normalement. Il y aura un dysfonctionnement au niveau de la mastication. Le malaxage et le mixage du bol alimentaire, qui marquent le premier temps de la digestion, seront perturbés. Il y aura donc des problèmes digestifs ainsi que des troubles de la nutrition car les patients souffrent alors souvent d’une perte d’appétit.

Ces troubles peuvent entraîner des complications d’autant plus rapides du fait qu’il s’agit de personnes âgées, souvent fragiles sur le plan de leur santé. Sans compter qu’il y a en EHPAD des résidents très dépendants, qui n’ont pas forcément les moyens de s’exprimer sur la perte de leur prothèse.

2 commentaires

  • ROUSSEAU-CAUSSIGNAC Sylvie dit :

     pourriez vous donner plus de renseignement au sujet du marquage par encre, merci

  • PASQUET PATRICK dit :

    Je découvre l’association, par internet, et je vous remercie de la faire vivre.
    Effectivement les problèmes bucco-dentaires sont nombreux dans les EHPAD et sont mal pris en considération.
    Hormis le réel problème de marquage des prothèses existe aussi celui de leur entretien, de leur fixation au quotidien, sur des gencives en mauvais état qui s’affaissent avec l’âge, et de leur nettoyage avec un produit adapté.
    Ainsi dans l’EHPAD de Bourganeuf (Creuse), où est ma maman sénile de 92 ans, il n’est pas prévu de mettre de fixateur de dentier et aucun crédit n’est alloué pour cela.
    Cette appareillage encombre sa bouche et l’empêche de manger sans que personne ne se préoccupe de la cause. En manque d’effectifs permanent, les personnels n’ont pas les moyens nécessaires et ne sont pas sensibilisés à ce problème. Ceci est le triste constat fait lors d’une visite impromptue cette semaine.

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