accouchement

Un accouchement autrement en maison de naissance

La France vient de lancer une expérimentation sur les maisons de naissance. En tout, 9 structures ont reçu un agrément. L’expérimentation s’étalera sur cinq ans. A l’issue de cette période, il reviendra aux pouvoirs publics de décider si ce dispositif est appelé à s’étendre sur le territoire.

C’est une pratique qui a vu le jour au milieu des années 70 aux Etats-Unis et qui s’est répandue au fil des ans dans de nombreux pays (Canada, Pays-Bas, Allemagne, Belgique, Suisse, etc.). L’accouchement en maison de naissance voire à domicile permet aux femmes qui le désirent de mettre au monde leur enfant loin de l’environnement ultra-médicalisé de l’hôpital sous la houlette d’une ou plusieurs sages-femmes.

La France vient d’autoriser le lancement d’une série d’expérimentations, afin d’évaluer la possibilité de mettre en place un tel dispositif (limité aux maisons de naissance) sur le territoire. Au total, neuf structures ont reçu l’agrément des pouvoirs publics.

Adossement obligatoire à une unité de soins

La prise en charge de ces femmes est assurée par des sages-femmes libérales chargées du suivi de la grossesse, du bon déroulement de l’accouchement puis de l’accompagnement des mamans au retour (quasi immédiat) à domicile. Rappelons quand même que selon un rapport de la Cour des comptes de 2011, l’hôpital demeure le lieu d’accouchement préféré des femmes enceintes (64 %), suivi de la clinique (25 %). Seulement 2 % des femmes enceintes préféreraient accoucher chez elles.

L’article 1 de la loi du 6 décembre 2013 autorisant l’expérimentation des maisons de naissance précise que « La maison de naissance doit être contiguë à une structure autorisée de l’activité de gynécologie-obstétrique avec laquelle elle passe obligatoirement une convention et avec laquelle un accès direct est aménagé, permettant, notamment, un transfert rapide des parturientes [vers une unité médicale]nen cas de complication ».

C’est le cas par exemple du CALM (acronyme de "Comme à la maison"), à Paris dans le 12ème arrondissement, l’un des neuf projets retenus, adossé à la clinique des Bluets où nous nous sommes rendus il y a quelques jours pour prendre la température (lire notre article "Reportage : les accouchements en maison de naissance"). Depuis le 1er avril 2016, date où le CALM a officiellement obtenu le statut de maison de naissance, une quinzaine d’accouchements a déjà eu lieu.

N’accouche pas hors l’hôpital qui veut

Plusieurs conditions doivent être remplies afin d’envisager un accouchement dans l’une des 9 maisons de naissance retenues pour l’expérimentation. Cette possibilité n’est en effet offerte qu’aux femmes en bonne santé dont la grossesse se déroule sans problème (grossesses dites à « bas risque », selon les critères et recommandations de la Haute Autorité de Santé). Le domicile de la candidate ne doit pas se situer à plus de 40 minutes de trajet de la maison de naissance. L’accouchement hors de l’hôpital, enfin, ne peut avoir lieu en cas de grossesse gémellaire ou si la femme a déjà subi une césarienne.

Les maisons de naissance répondent aux souhaits exprimés par un certain nombre de femmes d’accoucher dans un environnement moins médicalisé et de bénéficier d’une prise en charge par la même équipe tout au long de la grossesse. Une enquête sur les accouchements réalisée par le Collectif interassociatif autour de la naissance (Ciane), publiée en 2012, montre que « le pourcentage de femmes qui expriment, pendant la grossesse, des souhaits particuliers concernant leur accouchement augmente régulièrement : il est passé de 36% avant 2005 à 57% en 2011 ».

Parmi les doléances exprimées :

  • le choix de la position lors de l’accouchement,
  • la possibilité de « déambuler »,
  • un accompagnement personnalisé de la douleur (soutien pour un accouchement sans péridurale, possibilité de choisir le moment et le dosage de la péridurale),
  • et le refus – net – de l’épisiotomie (en dehors évidemment d’une nécessité médicale).

Haro sur l’épisio !

Au Québec où il est possible d’accoucher en maison de naissance ou à domicile depuis 1994, « le taux d’épisiotomie lors d’accouchements pratiqués par des sages-femmes (dans les maisons de naissance et à domicile, ndlr) est de 0,03% », indique Marie-Eve St-Laurent, présidente de l’Ordre des sages-femmes du Québec. A titre de comparaison, ce taux est d’environ 50 % en établissement de santé pour les femmes dont c’est le premier accouchement et de 30 % pour les multipares.

Dans la Belle-Province, 2 à 3 % des femmes (près de 90 000 accouchements par an dont 2 000 sont réalisés par des sages-femmes), choisissent d’accoucher en maison de naissance ou à domicile. Environ un quart d’entre elles doivent y renoncer en cours de suivi pour raison médicale. Elles sont alors adressées à un hôpital. 10 à 15 % de ces transferts ont lieu lors de l’accouchement, estime Marie-Eve St-Laurent. « Le plus souvent, l’arrêt de la progression ou une demande de soulagement de la douleur sont à l’origine de ces transferts. Les cas d’urgence sont très rares ».

Le corps médical n’affiche pas la même sérénité. Cité par Le Monde, Bertrand de Rochambeau, président du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens français, s’inquiète de l’absence de monitoring pendant le travail. « Comment les sages-femmes sauront si tout se passe bien ? Elles feront avec leur stéthoscope, comme au XIXe siècle ? ». Le médecin déplore par ailleurs l’absence de prise en charge médicale de la douleur. « Avant la péridurale, les accouchements étaient des salles de pleurs. J’ai vu des femmes souffrir ».

Accouchement en toute sécurité

Que les femmes qui seraient intéressées par ce nouveau mode de suivi de grossesse et d’accouchement se rassurent : les études menées sur le sujet montrent qu’il existe peu ou pas de différence dans les taux de complication selon que la naissance a lieu à l’hôpital, dans une maison de naissance ou à domicile. C’est la conclusion par exemple d’une vaste étude menée auprès de 64 538 femmes au Royaume-Uni publiée en 2011 dans le British Medical Journal.

De cette étude, la HAS retient notamment, dans son Cahier des charges de l’expérimentation des maisons de naissance, que « la proportion de femmes avec une naissance normale (naissance sans induction du travail, analgésie épidurale ou spinale, anesthésie générale, accouchement par forceps ou ventouse, césarienne ou épisiotomie) variait de 58 % pour les unités d’obstétrique à 76 % pour les maisons de naissance intrahospitalières, 83 % pour les maisons de naissance autonomes et 88 % pour les naissances à domicile ».

Quant à la survenue de complications lors de l’accouchement (déchirure périnéale importante, nécessité de mettre en place une transfusion sanguine ou de transfert vers un plus haut niveau de soins), l’étude ne montre pas de différences significatives selon le type de prise en charge. La HAS pointe toutefois que « ces événements indésirables sont généralement moindres dans les maisons de naissance autonomes ». Ces résultats n’étonnent pas Marie-Eve St-Laurent qui les attribue pour partie aux restrictions imposées dans la sélection des femmes éligibles à une prise en charge démédicalisée.

UNE SURMÉDICALISATION TOURNÉE EN RIDICULE
"La Performance". Ainsi s’intitule ce petit film satirique de l’association italienne Freedom for Birth Rome Action Group visant à dénoncer l’excès de médicalisation lors des accouchements pratiqués dans la plupart des pays occidentaux : position imposée, monitoring permanent, interdiction de boire, de manger ou encore de se déplacer, utilisation d’ocytocine pour accélérer le travail, etc. Appliqué à la sexualité (c’est l’idée loufoque du film), cet interventionnisme médical découragera même les plus chauds. Sous-titré en plusieurs langues, le film diffusé depuis 2014 connaît une recrudescence des partages sur les réseaux sociaux à l’occasion de la Semaine mondiale pour l’accouchement respecté qui se déroule du 16 au 22 mai.

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