Scolarité et discriminations liées à l’état de santé

Scolarité et discriminations liées à l’état de santé

Ainsi que nous le rappelions la semaine passée dans notre article sur le handicap et la discrimination en milieu scolaire, en 2014, 34,1% des réclamations reçues par le Défenseur des droits concernaient des cas de discrimination liée au handicap et à l’état de santé. Nous avons vu que les familles dont les enfants sont en situation de handicap doivent se battre au quotidien pour leur permettre de suivre une scolarité la plus normale possible.

Cependant les cas de discrimination plus ou moins explicites peuvent également concerner des élèves ne présentant pas à proprement parler de handicap mais un état de santé qui demande une attention et une prise en charge particulières. Là encore, l’école de la République peut chercher à se dédouaner de ses responsabilités vis-à-vis de ces élèves, en appliquant avec trop de parcimonie la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances.

Inscription à l’école la plus proche de son domicile…

La loi de 2005 est claire sur ce sujet : « Tout enfant, tout adolescent présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé est inscrit dans l'école ou dans l'un des établissements mentionnés à l'article L. 351-1, le plus proche de son domicile ». Dans les faits, il faut savoir composer et négocier avec les équipes administratives, pédagogiques et médicales de chaque établissement. En effet, les enseignants se sentent souvent mal à l’aise à l’idée d’avoir à gérer une crise d’épilepsie ou d’hypoglycémie. Il est vrai que le mieux serait qu’ils puissent recevoir une formation quand ils ont à faire à une pathologie qui nécessite de connaître les bons réflexes à adopter en cas de problème.

France B., maman de deux enfants diabétiques a été obligée de jouer des coudes pour la scolarisation du plus petit de ses deux garçons, Kolya, diagnostiqué avec un diabète de type 1 à l’âge de 15 mois. A la rentrée en maternelle de Kolya, les habitants du village girondin, où vit le petit garçon et où tout le monde se connaît, ont eu à cœur d’aider la famille. Appréhendant le fait qu’à terme il faudrait probablement envisager la venue d’une infirmière pour prendre la glycémie de son enfant deux fois par jour à l’école, France a demandé une dérogation pour l’inscrire dans une école dans une zone moins rurale que la sienne et plus facile d’accès pour les infirmières. Dans un premier temps, elle venait elle-même deux fois par jour pour les prises de glycémie. Puis la directrice a proposé de les faire. Malgré cette belle volonté, la directrice avait peur de mal gérer les hypoglycémies et hyperglycémies de son élève et il a finalement été décidé de faire venir une infirmière chaque matin et après-midi. France reconnaît qu’elle a eu de la chance d’entretenir des relations de proximité  avec quasiment chaque enseignant et infirmière du fait qu’elle vit à la campagne. Elle a d’ailleurs noté une différence depuis que Kolya est en 6ème. Sa scolarisation devient beaucoup plus dépersonnalisée et les professeurs accordent moins d’attention à l’état de santé de son fils malgré la mise en place d’un PAI (Projet d’accueil personnalisé).

Projet d'accueil personnalisé (PAI) et formation des enseignants

Cette année, Kolya est donc en 6ème, et le hasard fait qu’une autre élève de sa classe est également diabétique. Tous les deux bénéficient de ce que l’on appelle un PAI (projet d’accueil personnalisé) qui permet d’améliorer l’accueil des élèves ayant des troubles de santé évoluant sur une longue durée, des maladies chroniques, allergies ou intolérances alimentaires. Le PAI peut être mis en place dès l’entrée en crèche et renouvelé chaque année tout au long de la scolarité. C’est un document écrit en concertation avec la famille, l’école et éventuellement le médecin scolaire.

Le PAI précise, le cas échéant :

  • un aménagement du rythme scolaire (possibilité des faires des siestes par exemple) ;
  • certaines dispenses (sportives notamment) ;
  • un éventuel régime alimentaire ou une adaptation pédagogique (par exemple si l’enfant souffre de troubles de l’apprentissage) ;
  • les dispositions médicales et/ou médicaments à prendre.

Malheureusement, France a pu se rendre compte que depuis l’entrée au collège, l’information autour du PAI de son fils était moins bien diffusée et que tous les professeurs n’en prenaient pas connaissance. La camarade diabétique de Kolya a dû notamment entrer en conflit avec l’un de ses professeurs qui a refusé de la laisser sortir pour boire, alors que le diabète peut induire une déshydratation en cas d’hyperglycémie. De toute évidence, il n’avait pas lu et ne savait peut-être même pas que son élève bénéficiait d’un PAI. France ne comprend pas que le document du PAI ne soit pas déposé dans chaque classe, d’autant que ce dernier indique les bons gestes à adopter en cas de malaise de l’enfant.

Ce manque d’informations et de formation est aussi très regretté du côté de l’association Epilepsie France. Pourtant Delphine Dannecker, responsable de la scolarité à l’association, précise qu’il existe des formations très simples pour apprendre les bons gestes aux enseignants et que ces formations durent seulement de 30 minutes à une heure. Il serait donc vraiment dommage de s’en passer dans les écoles qui accueillent des élèves épileptiques !

Les bons gestes en cas de crise d’épilepsie généralisée

L’épilepsie est une sorte de « court-circuit » dû à l’hyperexcitabilité des neurones. Les crises peuvent ressembler à des « absences », comme si le cerveau « décrochait » quelques instants, ou donner lieu à des convulsions. Les crises avec convulsions peuvent être très courtes ou partielles (sur un bras ou une jambe par exemple), mais lorsqu’elles sont longues, violentes et généralisées, voici ce qu’il faut faire :

  • Ne pas essayer de déplacer la personne
  • Laisser la personne au sol
  • Mettre la personne en position latérale de sécurité
  • Retirer tous les objets autour de la personne qui pourraient la blesser
  • Lui mettre éventuellement un coussin sous la tête
  • Appeler les secours si la crise se prolonge au-delà de 5 à 10 minutes

Il faut savoir que la crise n’est pas douloureuse en soi. Cependant, après une crise, le malade ressent une extrême fatigue et parfois des douleurs musculaires, comme des crampes.

Du manque d’attention à la discrimination

Que les enseignants ne soient pas à l’aise avec la partie médicale peut éventuellement se comprendre ; en revanche, cela devient beaucoup plus inexcusable lorsqu’il s’agit de s’adapter sur le plan pédagogique pour permettre aux élèves en difficultés du fait de leur maladie de suivre les cours. Delphine Dannecker voit de nombreux cas de dénigrement de la part des professeurs d’élèves épileptiques qui les considèrent comme des fainéants. Il est vrai que les enfants épileptiques souffrent d’hyper-fatigabilité du fait des crises à répétition (même quand ce sont de très courtes crises) mais aussi à cause de leur traitement par neuroleptiques. En effet, pour compenser cette surexcitabilité des neurones, on prescrit des médicaments qui ont tendance à provoquer des somnolences. S’ajoutent à cela les éventuels épisodes d’« absences » dont nous parlions plus haut, et il n’en faut pas plus pour stigmatiser un élève et le classer parmi les cancres paresseux alors même qu’il est plein de bonne volonté et possède les capacités intellectuelles pour réussir !

Le cas des ados et des étudiants

Au fur et à mesure que l’enfant grandit, la gestion des problèmes purement médicaux s’estompe alors que le jeune malade devient de plus en plus autonome face à sa pathologie. Mais ce sont les problèmes liés à l’adolescence qui prennent le dessus. Ces élèves n’ont pas envie d’être stigmatisés, mis à l’écart ou raillés, d’autant que certaines situations leur semblent très gênantes. Par exemple lors d’une crise d’épilepsie, il arrive que l’on bave ou que l’on relâche ses urines. Dans les écoles où les équipes pédagogiques ne mettent pas suffisamment l’accent sur l’empathie, les adolescents malades peuvent avoir tendance à se renfermer sur eux-mêmes. L’accueil des élèves malades est donc l’affaire de tous pour éviter toute forme de discrimination.

Heureusement les combats menés par les malades et leur famille en valent la peine ! Celui de Mathilde V. soutenue par ses parents et par l’AFD (Fédération française des diabétiques) a permis de faire évoluer les mentalités et un règlement obsolète… En effet, en 2013, elle est admise aux examens pour intégrer la prestigieuse école Polytechnique mais son diabète de type 1 lui ferme finalement les portes de l’école pour laquelle elle a durement travaillé. En cause, la formation militaire qui fait partie du cursus des étudiants de cette école. Si à l’origine cette formation était exigeante et compliquée à suivre pour une personne diabétique, elle est tout à fait gérable aujourd’hui moyennant quelques aménagements et dispenses. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’école Polytechnique, entendant la plainte de Mathilde, a fait modifier dans les mois qui ont suivi, le règlement de l’institution, désormais accessible aux diabétiques. Si Mathilde a depuis intégré une autre grande école, elle a ouvert la voie pour de nouveaux étudiants malades qui ne souffriront plus de cette discrimination, mais aujourd’hui son inquiétude est plutôt liée à des problèmes d’ordre administratif pour sa future vie d’adulte avec tous les obstacles qu’elle est amenée à rencontrer auprès des banques et des assurances notamment. Un autre sujet de discrimination qui n’a pas fini de mobiliser les associations de patients !

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2 commentaires

  • Gérald Bouillaud dit :

     Les enfants sont plutôt méchants envers les autres qui ont des différences. Il faut savoir leur inculquer que ce n'est pas en agissant méchamment que cela va faire disparaître ce qu'ils sont, et ils n'ont pas choisi d'être comme ils le sont. Heureusement, que les droits de ces enfants sont bien protégés et qu'on essaie le plus possible de leur donner une vie normale. Même s'ils sont malades, ils ont les mêmes droits que tout le monte d'accéder à une bonne éducation complète.

  • Anthony Launay dit :

    En couple récemment avec une femme dont la fille est diabétique et voulant ce mettre en ménage, on a voulu l’inscrire dans le même collège que mon fils. Mais son inscription en 6 ème à été purement et simplement refusé du fait de son handicap. Un grand merci au collège public du Lion d’angers pour sa pédagogie hors norme ! Il est vrai que c’est plus simple de mettre un enfant différent de côté. Moi je suis indigné et recherche des personnes et associations pour faire valoir le droit à la scolarité d’Emma. Merci

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