Activité libérale à l’hôpital : quels dépassements en 2013 ?

60 millions de consommateurs et 66 millions d’impatients publient en exclusivité les chiffres 2013 de l’activité libérale à l’hôpital. En 2012, une enquête de 60 millions avait mis au jour des tarifs parfois hallucinants. Des pratiques qui perdurent…

En 2013, les praticiens hospitaliers ont facturé 68,7 millions d’€ de dépassements d’honoraires dans le cadre de leur activité libérale. Ce montant était de 66 millions d’€ en 2010. Il est passé à 70 millions en 2011, puis à 69,1 millions l’année suivante.

La revue 60 millions de consommateurs et le site d’information 66 millions d’impatients, une publication du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), ont obtenu via l’Institut des données de santé (IDS) les chiffres de l’activité libérale dans les établissements hospitaliers publics depuis 2010, pour chaque spécialité et par département.

Les dépassements pratiqués à l’hôpital public représentent une part minime de l’ensemble des montants facturés aux patients au-delà du tarif de base fixé par la Sécurité sociale. Pour l’ensemble des médecins spécialistes, ces dépassements se sont élevés l’année dernière à 2,7 milliards d’€, dont une part importante facturée par les médecins exerçant en ville et plus de 750 millions d’€ par ceux pratiquant dans les cliniques privées.

Des dépassements bien inférieurs au total à ceux des cliniques

Un constat qui s’explique par le nombre peu élevé de médecins hospitaliers autorisés à pratiquer une activité libérale à l’hôpital public sur une partie de leur temps d’exercice salarié. C’est-à-dire à facturer certaines de leurs prestations directement auprès des patients en appliquant, si leur statut le permet, des dépassements d’honoraires.

En pratique, un peu moins de 5000 (4889) praticiens hospitaliers (données métropole et outre-mer), sur un total de plus de 40 000, ont exercé en 2013 une activité privée au sein de l’établissement public les employant. Sur ce nombre, 43% (2107) était installé en secteur 2 et à ce titre autorisé à facturer des dépassements d’honoraires.

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Les 2 782 praticiens hospitaliers autorisés à avoir une part d’exercice libéral au sein de leur établissement, mais qui sont inscrits pour cela en secteur 1, doivent quant à eux appliquer dans le cadre de cette activité privée les tarifs de la sécurité sociale sans dépassement d’honoraires.

S’ils sont relativement peu nombreux à facturer des dépassements à l’hôpital, les tarifs pratiqués par ces mandarins peuvent être conséquents. En 2013, le montant moyen de dépassement par praticien hospitalier en secteur 2 s’est élevé à 33 000 € selon les données de l’IDS.


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La réglementation limite à 20% le temps qu’ils peuvent consacrer à leur activité libérale, soit l’équivalent d’une journée par semaine. Typiquement les chirurgiens y consacrent deux demi-journées hebdomadaires, la première pour les consultations, la seconde pour les interventions chirurgicales.

 Focus régional sur l’activité libérale à l’hôpital

C’est en Ile-de-France (482), en Provence-Alpes-Côte d’Azur (257), en Rhône-Alpes (255) et en Alsace (185) qu’on compte le plus de praticiens hospitaliers en secteur 2 (voir ci-dessous notre analyse des dépassements en établissements publics selon la région). C’est aussi dans ces régions (en plus de la Bourgogne) que, parmi les médecins hospitaliers ayant une activité privée, le taux de ceux libres de fixer le montant de leurs honoraires est supérieur ou égal à 50%.

En Ile-de-France encore, ce taux avoisine 80% avec un montant annuel moyen de dépassement par professionnel hospitalier exerçant une activité privée en secteur 2 d’environ 53 000 €, soit 20 000 € de plus que la moyenne nationale. L’Alsace est la région qui affiche le deuxième montant de dépassement moyen le plus important (44 000 € par praticien en 2013).

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« L’activité libérale se concentre surtout sur les disciplines chirurgicales et l’obstétrique, la cardiologie et la radiologie », peut-on lire dans le rapport Laurent sur l’activité libérale dans les établissements publics de santé remis en mars 2013 à Marisol Touraine. Il s’agit souvent de praticiens dont la notoriété est forte et dont l’activité libérale la plus importante se concentre sur la fin de carrière ».

Parmi les médecins autorisés à exercer en libéral à l’hôpital, les chirurgiens, toutes catégories confondues (neurochirurgie, orthopédie, chirurgie vasculaire ou viscérale, etc.), concentrent près de la moitié des dépassements (voir ci-dessus notre tableau des dépassements selon les spécialités). Ils étaient près de 800 l’année dernière répartis dans les hôpitaux publics autorisés à pratiquer des dépassements d’honoraires pour un montant moyen par praticien d’environ 41 000 €.

Des pratiques très différentes selon les spécialités

Les chiffres obtenus auprès de l’IDS montrent que les ophtalmologues, beaucoup moins nombreux (156 praticiens installés en secteur 2 pour 12,4% du total des dépassements en 2013), ont la main plus lourde. L’année dernière, Ils ont perçu en moyenne près de 55 000 € au delà du tarif de la Sécu contre « seulement » 15 000 € pour les gastroentérologues.

Ces chiffres ne constituent que des moyennes. Les montants facturés aux patients peuvent atteindre des sommes bien plus élevées. En mars 2012, 60 millions de consommateurs publiait une enquête révélant des tarifs, à Paris notamment, plus de 10 fois supérieurs au plafond fixé par la sécurité sociale. Des montants astronomiques également observés à Lyon, Strasbourg, Nice ou Montpellier.

Dans ces deux dernières villes, l’enquête avait par ailleurs permis d’identifier des praticiens dont les honoraires totaux sur l’année avoisinaient les 500 000 €. Des sommes plutôt rondelettes lorsqu’on se rappelle qu’elles doivent correspondre à une unique journée de travail hebdomadaire.

Selon le rapport Laurent, 4% des contrats d’activité libérale dans les CHU de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) donnent lieu à des montants d’honoraires supérieurs à 300 000 euros. Ce taux est de 3 % dans les établissements des Hospices civils de Lyon (HCL). Moins d’une vingtaine de praticiens seraient en tout concernés.

Des tentatives de régulation pour lutter contre les abus

Face à ces abus et à d’autres observés en clinique ou dans les cabinets libéraux en ville, la Caisse nationale d’Assurance maladie invitait en 2012, via ses caisses primaires, les conseils départementaux de l’Ordre des médecins à se saisir du cas de quelque 250 médecins ayant visiblement la main un peu lourde sur le stylo, dont une trentaine exerçant à l’hôpital. En août 2013, une autre salve de courriers était adressée à 550 médecins pour les inviter à plus de modération sous peine de sanctions.

Cette pression exercée par les pouvoirs publics aurait généré un coup d’arrêt à la progression des dépassements d’honoraires dont le rythme de croissance est passé à +2,4 % en 2012 et à +3,3 % en 2013, là où il variait entre 4 % et 7 % par an entre 2007 et 2011.

A l’hôpital, c’est aux commissions d’activité libérale de surveiller que les règles relatives à cette pratique sont respectées. En plus de la limitation du temps d’exercice libéral à une journée par semaine, les praticiens sont tenus de pratiquer un plus grand nombre de consultations dans le cadre de leur activité publique. Et de s’en tenir à l’obligation d’affichage de leurs tarifs dans les salles d’attente comme en ville ou en clinique.

Fançois Blanchardon est président du Ciss Rhône-Alpes et membre de la Commission centrale d’activité libérale des Hospices civils de Lyon (HCL). Le principal bienfait selon lui du fort écho médiatique autour de l’exercice libéral ces derniers mois : la sensibilisation des médecins dont l’attitude vis-à-vis des contrôles a évolué dans le bon sens. « Les praticiens se sentent aujourd’hui plus mobilisés sur la nécessité de respecter le cadre réglementaire de l’activité libérale ».

Les commissions de contrôle à l’hôpital sur la brèche

Jean-Pierre Lacroix, président de la Commission de l’activité libérale du CHU de Montpellier, n’a pas cette vision. Selon lui, la pression exercée par l’Assurance maladie n’aurait pas changé grand chose aux pratiques. « Les dépassements excessifs et le non respect de la limitation du temps d’exercice libéral, les deux pouvant se cumuler, continuent d’exister ».

Au CHU de Montpellier sur environ 35 praticiens autorisés à pratiquer une activité libérale, la grande majorité respecte toutefois les règles du jeu. Un seul s’entête – de longue date – à facturer des dépassements au-delà de tout bon sens (il est d’ailleurs l’objet de l’intérêt fréquent des médias) et deux à trois autres se trouveraient sur la tangente, estime-t-il.

Pour quelques uns des champions du dépassement pointés dans l’enquête de 60 millions de consommateurs (à Paris notamment), on observe également une tendance à la modération. C’est le cas par exemple de ce chirurgien orthopédique qui facturait en 2012 2800 € la pose d’une prothèse de hanche (près de 6 fois le tarif Sécu) qui sur les 6 premiers mois de 2014 affiche un tarif de 2000 €. Un bel effort !

Autre exemple avec un ophtalmologue qui a diminué le tarif de ses prestations de moitié (700 € au lieu de 1400) lors d’une intervention de la cataracte. Plusieurs de ces mandarins, dont les données sont accessibles sur le site de l’Assurance maladie (www.ameli-direct.ameli.fr) n’ont toutefois pas changé d’un iota leurs pratiques tarifaires.

« C’est une poignée de professionnels qui ternit la réputation de tout un dispositif », indique Thomas Sannié du CISS Île-de-France, membre de la Commission d’activité libérale de l’AP-HP, particulièrement concernée par le sujet. « Les représentants des usagers au sein de la commission souhaiteraient que les sanctions prises soient plus sévères pour endiguer ces abus lorsqu’ils existent, en demandant à l’Agence régionale de santé soit de suspendre les contrats autorisant l’exercice libéral des professionnels concernés, soit en ne les renouvelant pas. Le contrôle par les pairs a montré ses limites, il est temps que les pouvoirs publics prennent les mesures qui s’imposent pour que les abus ne se renouvellent plus ».

 Crédits illustrations : 60 millions de consommateurs / 66 millions d’impatients

1 commentaires

  • Max dit :

     Bonjour à tous, La vrai question est 'pourquoi ces dépassements d'honoraires'? Le tarif sécu n'a pas été revalorisé depuis plus de 28 ans, les techniques ont quant à elles évoluées et le prix payé par la sécu pour une intervention ne couvre même pas ne serait ce que le prix de ce matériel dans certains cas. Les charges sont également énormes. Ne parlons pas des assurances RCP de plusieurs milliers voir même dizaines de milliers d'euros. Enfin les horaires des praticiens qui dépassent allègrement les 35h par semaine. Une fois ces différents facteurs pris en compte, tout en gardant comme objectif principal la qualité des soins, les dépassements sont bien plus compréhensibles et limités! La question est donc: que fait l'assurance maladie et l'état pour éviter cette situation qui pousse les praticiens de certaines spécialités à faire des dépassements? Pour rappel nous sommes 3-6 fois moins cher en France pour une même intervention que dans certains pays anglo-saxons. Au risque de vous ennuyer je passerai sur les mutuelles qui s'enrichissent avec les nouvelles réformes sur le dos des patients et praticiens. Merci donc de faire des articles avec la totalité des informations nécessaires à la bonne compréhension du sujet. Un lecteur avisé

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