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Loi de financement de la sécurité sociale 2019 : notre avis, la suite

L’Assemblée nationale a définitivement adopté le 3 décembre dernier le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Nous vous proposons une rapide analyse des mesures concernant directement les usagers du système de santé ainsi qu’une présentation de nos sujets de mobilisations futurs.

Mesures adoptées par l’Assemblée nationale

Bons points

Accès précoce aux médicaments
Le dispositif des autorisations temporaires d’utilisation (ATU) permettant un accès précoce aux nouvelles thérapeutiques est amélioré (extension d’indications, accès précoce au post ATU).  La mesure inscrit également dans la loi un engagement des laboratoires à assurer une « continuité » des traitements initiés pendant la durée de la prise en charge de l’ATU ou de l’accès précoce sans ATU, puis pendant au moins un an à compter de l’arrêt de la prise en charge.

Les membres de notre union sont historiquement mobilisés pour maintenir et améliorer le dispositif ATU, essentiel pour permettre un accès rapide aux médicaments innovants pour les malades ne bénéficiant d’aucun traitement ou alternative thérapeutique. Nous sommes également très avertis du détournement du dispositif par les laboratoires pour peser dans les négociations de prix et générer des profits excessifs. Nous demandons que les associations de malades concernées soient plus étroitement associées à la délivrance des ATU par l’Agence nationale de sécurité du médicament.

Établissements
Les députés ont validé la mise en place d’un financement forfaitaire pour la prise en charge des maladies chroniques ainsi que la pénalisation des établissements affichant des résultats insuffisants en matière de qualité des soins. Cette dernière mesure est en droite ligne des préconisations portées par Alain-Michel Ceretti en tant que co-pilote du chantier « Inscrire la qualité et la pertinence des soins au cœur des organisations et des pratiques de la stratégie nationale de santé (STSS). La participation des représentants des usagers sera essentielle. France Assos Santé s’est déjà saisi de ce sujet dans le cadre de l’élaboration de ses orientations stratégiques.

Suppression de la condition d’arrêt de travail avant un temps partiel thérapeutique
Le gouvernement a adopté une disposition permettant de supprimer la condition d’un arrêt de travail à temps plein avant un temps partiel thérapeutique. France Assos Santé avait porté cette proposition, notamment dans le cadre des Affections de Longue Durée (ALD), le temps partiel thérapeutique pouvant être une solution de diminuer son temps de travail sans perte de revenus, dans des moments plus compliqués, sans pour autant nécessiter un arrêt de travail complet. Le gouvernement a étendu cette possibilité aux non ALD, afin de faciliter les aménagements de l’activité professionnelle dans des situations où un arrêt de travail complet n’est pas nécessaire ni souhaité par l’usager.

Un contrat de CMU-C contributif pour les bénéficiaires de l’Aide à l’acquisition d’une Complémentaire Santé (ACS)
Avec un taux de non-recours d’environ 50%, le dispositif ACS ne remplit pas ses objectifs d’accès à la complémentaire santé. Par ailleurs 25% des personnes ayant ouvert leur droit à l’ACS ne l’utilisent pas. L’accès au contrat CMU-C pour les bénéficiaires de l’ACS va dans le sens de la simplification et devrait permettre un meilleur accès à la complémentaire pour ces bénéficiaires avec un panier de soins plus qualitatif et des cotisations moins élevées, notamment pour les tranches d’âge supérieures, dont la cotisation maximale serait de 30€ par mois. Toutefois, nous regrettons que notre proposition d’une CMU-C contributive, sans plafond de revenus mais dont les cotisations seraient modulées en fonction des revenus, n’ait pas été retenue. Elle aurait permis de régler la problématique des effets de seuils qui exclut des personnes se trouvant juste au-delà du plafond de revenus, mais ayant des besoins de santé importants, et aurait permis de limiter la stigmatisation liée au contrat CMU-C.

Les premières dispositions pour la mise en œuvre du « 100% Santé »
Les premières dispositions concernant la mise en œuvre de la réforme du Reste à charge 0 ont été intégrées. Notamment, l’obligation de proposer des produits du panier de soins 100% santé, l’évaluation par les patients ainsi que le renforcement de la traçabilité des appareils auditifs et optiques   et celui de la prévention dentaire. Les contrats responsables devront également être modifiés pour prendre en compte ces nouvelles dispositions.

Mauvais points

Moindre remboursement en cas de refus non médicalement justifié du recours aux médicaments génériques et biosimilaires (applicable en 2020)
La nouvelle mesure s’ajoute à la disposition « tiers payant contre générique » en remboursant les médicaments princeps sur la base du prix du générique. Les usagers accuseraient donc un reste à charge en cas de refus du médicament générique, en plus de l’avance de frais.

France Asso Santé s’oppose à cette mesure budgétaire de court terme qui contrarie l’empowerment du patient et témoigne surtout de l’incapacité des pouvoirs publics à agir sur d’autres leviers dont l’efficacité serait immédiate et sans appel, notamment le respect de l’obligation de prescrire en DCI qui rendrait caducs les questionnements autour de la substitution.

L’empilement des mesures (substitution, tarif forfaitaire de responsabilité, remboursement sur la base du générique…) est illisible et freine toute pédagogie en la matière.

La récupération des indus sur toutes les prestations
Le gouvernement a adopté un article permettant que tous les indus (qu’ils soient liés à une erreur de l’assuré ou de la caisse) soient prélevés sur toutes les prestations, en interbranche, y compris les minima sociaux et des prestations en espèces de l’assurance maladie, invalidité ou vieillesse : pension d’invalidité, ASI, ASPA, AAH, retraite etc. Ces prestations sont des revenus de subsistance pour les personnes, notamment celles ayant de faibles revenus.

Les prestations en espèces sont des revenus pour lesquels les personnes ont cotisé et qui viennent remplacer des revenus du travail suite à la survenue d’un risque. Les minima sociaux, comme leurs noms l’indiquent, garantissent des ressources minimales vitales aux personnes ayant des faibles revenus.

La désindexation de l’inflation de certaines prestations
Certaines prestations sont désindexées de l’inflation, notamment les pensions de retraite, d’invalidité et les rentes Accident du travail – Maladies professionnelles. Ces prestations ne seront revalorisées que de 0,3% alors que l’inflation devrait se situer autour de 1,7% à 1,8% en 2019, entraînant ainsi une perte de pouvoir d’achat pour des personnes, qui peuvent déjà se trouver en situation de vulnérabilité.

Mesures rejetées par l’Assemblée nationale

Bon point 

Tous cobayes ?
Le Sénat avait (de nouveau) introduit un article visant à autoriser l’usage de médicaments innovants encore non autorisés au titre de l’utilisation testimoniale éclairée et surveillée du médicament (UTES). France Assos Santé se félicite du rejet de cette disposition par l’Assemblée nationale. Nous nous sommes mobilisés contre cette proposition sénatoriale qui remettrait en cause les principes collectifs de notre système d’évaluation basé sur l’évaluation du bénéfice-risques. Il existe de plus en France un système d’accès précoce (ATU) dont le périmètre est étendu dans le cadre de ce PLFSS.

Malgré les récurrentes crises sanitaires dues à un déficit d’évaluation des produits de santé, il est surprenant de constater que cette demande des industriels soit encore relayée par certains parlementaires.

Mauvais point

Toutes les mesures proposées concernant la promotion de l’activité professionnelle

Excepté le temps partiel thérapeutique, toutes les mesures visant à promouvoir l’activité professionnelle des personnes malades ont été rejetées. Il s’agissait notamment de la suppression de l’interdiction d’exercer toute activité (rémunérée ou non) lors d’un arrêt de travail, de permettre le maintien de droit aux indemnités journalières maladie pour les chômeurs ayant repris une activité professionnelle depuis plus de 3 mois. Ces dispositions de bon sens ont été rejetées d’emblée, au motif que le financement n’est pas prévu. Il s’agit donc d’une analyse à court terme, qui ne tient pas compte des économies attendues grâce au bénéfice sur la santé que ces mesures apporteraient.

Prise en charge à 100% des vaccins rendus obligatoires

Cette demande renouvelée de France Assos Santé a de nouveau été rejetée. Il existe donc un risque réel que des motifs financiers contraignent des parents à ne pas vacciner leurs enfants, alors que l’objet même de l’extension de l’obligation est d’augmenter la couverture vaccinale

Représentation des usagers au comité économique des produits de santé (CEPS)

L’Assemblée nationale a rejeté un amendement visant à permettre la participation des usages au comité économique des produits de santé.

Nos associations membres et notre union militent courageusement pour l’accès à de nouvelles thérapeutiques permettant de sauver des vies, tout en s’opposant au pillage de notre système de santé solidaire par les industriels qui imposent des prix scandaleux des produits de santé aux autorités.  Les malades sont pris en otage, les négociations des prix resteront donc secrètes. Acte

Transparence des prix des médicaments

Depuis plusieurs années, nous demandons également de rendre public les prix réels des produits de santé afin notamment d’engager une véritable prise de conscience citoyenne. Les contribuables et les patients continueront à payer ou à subir des restrictions d’accès sans connaître le prix réel des traitements qu’ils payent et prennent.

Fixation des prix du médicament 

Devant l’inflation exponentielle des prix des médicaments « innovants » (plus de 300 000 euros pour des traitements anticancéreux), nous proposons également en vain depuis plusieurs années de compléter les critères de fixation des prix du médicament afin que le Comité économique des produits de santé puisse tenir compte des investissements réels au titre de la Recherche et Développement et du financement public de la recherche.

Réforme de la liste en sus

Depuis le décret de mars 2016 (notre réaction), la réforme des modalités d’inscription des spécialités sur la liste en sus représente un coût non négligeable pour les établissements de santé  et soulève la question de l’accès équitable aux traitements (perte de chance de malades atteints de cancer).

Malgré la perte de chance – contraire à notre droit fondamental d’accès aux soins – provoquée par cette réforme, aucune modification n’est donc actuellement envisagée. Nous sommes particulièrement inquiets sur d’éventuelles « expérimentations » qui viendraient également renforcer cette inégalité d’accès.

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