Convention AERAS : la nécessité d’accorder la grille de référence au vécu des patients

Mars 2021 restera pour les personnes porteuses du VIH comme le mois qui a allégé les critères d’accès à l’assurance et au crédit. La convention AERAS a en effet approuvé la révision de la grille de référence : une avancée en adéquation avec la réalité médicale des patients séropositifs. Cette victoire n’en cache pas moins de fortes disparités entre les maladies chroniques. Le combat est loin d’être fini pour que cessent toutes les inégalités.   

La vie devant soi. C’est peut-être ce que les personnes porteuses du VIH ont pensé, le 12 mars dernier, suite à l’assouplissement et à l’élargissement des critères d’éligibilité à l’assurance et à l’emprunt, qui jusqu’alors leur étaient quasiment inaccessibles, à moins d’en passer par un authentique parcours du combattant. Ce jour-là, la commission de suivi et de propositions de la Convention AERAS – s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé – a validé une nouvelle grille de référence, plus favorable aux personnes séropositives. Grâce à cette évolution, 30 % des patients concernés pourront désormais bénéficier des nouvelles dispositions.

Saluée comme une avancée importante, cette révision a été possible grâce à une mobilisation d’ampleur, aiguillonnée par Dominique Costagliola, épidémiologiste et membre du conseil d’administration de l’association Aides. Son expertise sur l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine et son réseau, via notamment ART-CC, une collaboration internationale de traitement des données de cohortes de personnes vivant avec le virus du sida, ont été ses deux cartes maîtresses.

Des contributions bénévoles

« En janvier 2020, j’avais travaillé, pour un colloque, sur la grille de référence, et présenté, à cette occasion, les 4 points principaux qui devaient être amendés pour faire avancer les choses, raconte-t-elle. J’ai donc repris cette présentation, mais, pour consolider mon argumentaire, j’ai demandé fin décembre à mes collègues d’ART-CC d’actualiser les données sur l’espérance de vie des personnes vivant avec le VIH, ce qu’ils ont fait bénévolement. »

Chiffres à l’appui, Dominique Costagliola a ainsi pu montrer que les critères surévaluaient le risque que ces personnes feraient courir aux assureurs. « L’espérance de vie des personnes qui vivent avec le VIH est désormais très proche de celle de la population générale, développe-t-elle. Le grand changement a été de dire qu’au fond, ce qui compte, ce n’est pas ce qui s’est passé, mais où en sont ces personnes aujourd’hui. »

Un sentiment de double peine

De fait, de nombreuses personnes atteintes d’une maladie chronique mènent une existence presque normale. « Elles vivent très mal de se voir imposer des surprimes ou des refus, qui ne correspondent pas à leur vécu, constate Marc Morel, directeur général de France Assos Santé et membre de la Commission de suivi et de propositions de la Convention AERAS. En outre, accéder à un crédit, c’est une manière de s’intégrer dans la société, que ce soit pour investir dans l’immobilier ou dans du matériel professionnel. »

Selon le dernier rapport de Santé Info Droits, la ligne de France Assos Santé, les questions d’accès à une assurance et à un emprunt figurent à la 4e place des sujets évoqués, toutes thématiques confondues, « signe d’un enjeu fort pour les personnes malades ou l’ayant été », écrivent les auteurs du rapport. Et d’ajouter : « C’est à une double peine que restent encore bien souvent condamnés nos interlocuteurs ».

Un recueil national des données

Pour apprécier une maladie à son juste niveau, et espérer faire bouger les lignes, faut-il encore pouvoir produire des données récentes et solides. Or c’est là que le bât blesse, car peu de pathologies en disposent, faute d’études épidémiologiques. « Il n’existe pas de données, par exemple, en ce qui concerne les maladies cardiovasculaires qui sont pourtant fréquentes en France, indique Marianick Lambert, du conseil d’administration de France Assos Santé. L’association Vaincre la mucoviscidose a dû, elle-même, effectuer une étude pour pouvoir faire avancer la cause des patients atteints de cette maladie. »

Il y a de grandes disparités entre les pathologies et, donc, les associations de patients. Toutes ne peuvent pas s’appuyer sur des agences ou instituts de renom, comme l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS) ou l’Institut national du cancer (INCa). « L’un de nos combats consiste à convaincre les pouvoirs publics de financer une structure qui permettrait de recueillir un maximum de données sur toutes les pathologies », déclare Marc Morel.

Un système imparfait, mais protecteur

Reste la solidarité. Dominique Costagliola prêtera main forte, et surtout ses compétences, aux représentants des patients qui présentent des troubles de la coagulation, en vue d’intégrer l’hémophilie dans la grille de référence AERAS. Pour l’épidémiologiste, qui a participé à la sa mise en place, en 2005, il est important pour une pathologie d’y figurer. « Il n’est évidemment pas normal que ce soit aux patients eux-mêmes de trouver les données, alors que les assureurs ne fournissent jamais les leurs, pour justifier le surrisque, mais il faut être pragmatique : on arrive quand même à obtenir des avancées », explique-t-elle.

« La Commission permet que les patients, experts médicaux, assureurs se parlent, et ça, c’est important, renchérit Marc Morel. Cela permet de sensibiliser les médecins conseils des assureurs. » Enfin, rappelle Marianick Lambert, « cette grille de référence a été imposée parce que le droit à l’oubli, qui s’est appliqué au cancer, ne pourra jamais s’étendre à l’ensemble des maladies chroniques ». Dehors et dedans : le travail continue pour davantage d’équité et de justice.

Ce qui change pour les personnes séropositives

  • Le critère portant sur la consommation de drogues illicites a été abandonné ;
  • Le critère exigeant l’absence d’un stade sida est remplacé par l’exigence d’une absence d’infection opportuniste en cours ;
  • La condition d’un compte de lymphocytes CD4 supérieur au seuil de 350/mm3 tout au long de l’historique thérapeutique est abandonnée. Elle est remplacée par la nécessité de démontrer un contrôle strict de la charge virale (indétectable) 12 mois après le début du traitement, ainsi qu’un taux de CD4 supérieur ou égal à 500/mm3 dans les 24 mois précédant la souscription, avec maintien d’une charge virale indétectable ;
  • Le plafonnement à 27 ans de la durée maximale entre début du traitement et fin du contrat d’assurance est porté à 35 ans, avec limitation de la durée de couverture du prêt à 25 ans.

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